Billet d’humeur

Le 18 mai 2019 se tenait notre journée nationale contre le déni des maladies vectorielles à tiques. Au nom de toute l’équipe France Lyme, nous remercions les bénévoles actifs qui nous permettent d’organiser ces événements tout au long de l’année.
Nous remercions également tous les soignants et médecins qui sont présents à nos côtés en permanence, pour nous soutenir et nous soigner en s’exposant quotidiennement à de lourdes sanctions, liées encore à la non application des Recommandations de Bonnes Pratiques, sorties en juin 2018 par la HAS, Haute autorité de santé.

Il y a maintenant 11 ans, lorsque France Lyme a été créée aux côtés du Pr Perronne, les malades souffraient en silence. Il n’existait qu’une petite association, les Nymphéas. A cette époque, le seul moyen d’échanges entre malades était une mailing-list Yahoo.
Puis, est très vite apparu un forum de discussion, le « Forum lyme francophone », toujours actif à l’heure actuelle. Les réseaux sociaux n’existaient pas et ce forum constituait l’unique moyen de dialoguer et de préparer la création d’une association.
A l’époque, seuls 2 médecins étaient connus pour prendre en charge les malades de lyme sous leur forme chronique : le Pr Perronne, et le Dr Bottero.
Il n’existait AUCUNE littérature scientifique en français sur le sujet. Pas de livre grand public, non plus. Ainsi, quelques malades se sont regroupés et ont créé l’association France Lyme en janvier 2008.
Depuis, les bénévoles œuvrent sans relâche.

Et c’est aussi grâce à des diffusions de documentaires télévisuels, ainsi que des parutions de livres sur le sujet, que nous avons pu faire éclater, si ce n’est le scandale de santé publique, au moins la guerre scientifique qui faisait rage et qui fait encore rage aujourd’hui.

Cependant en 2015, 2 députés UMP ont déposé une proposition de loi pour la prise en charge du lyme chronique. Après débats dans l’hémicycle, celle-ci a hélas été rejetée par la majorité en place (PS).
Mais un gros pas avait été franchi ! Les débats dans l’hémicycle étaient la preuve que les politiques prenaient enfin la mesure de l’enjeu de santé publique qui se profilait.
En parallèle, des actions judiciaires ont été entamées, notamment le LymAction.
Par la suite, un plan d’action ministériel a été lancé peu de temps après, en septembre 2016, à la demande de la Ministre Marisol Touraine.
Notre association fait partie, depuis son lancement, de tous les comités de pilotage de ce plan, qui se réunit en moyenne tous les 6 mois.
Parallèlement à cela, notre association a contribué à la création de la FFMVT, Fédération Française contre les Maladies Vectorielles à Tiques, en septembre 2015.

Où en sommes-nous dans le paysage politico-médical ??
Dans le plan Lyme de 2016, le volet qui intéresse le plus les malades est celui du diagnostic et du traitement de la maladie de lyme et des co-infections. A l’issue de 12 mois de travaux par un collège de médecins de tous horizons, et en présence de représentants de malades, la Haute Autorité de Santé a publié ses Recommandations de Bonnes Pratiques en juin 2018.
Hélas, contrairement à la méthodologie de départ clairement énoncée et entérinée par chacun des membres de ce groupe, dont les infectiologues de la SPILF « Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française », ces derniers se sont rétractés, et n’ont pas signé ce texte.
Nous avons assisté à un feuilleton politico scientifique sans précédent… !!
Nous avons alors pris conscience que l’enjeu ne se situait plus seulement sur le plan scientifique. …. Nous étions au-delà d’un simple débat médical comme il en a toujours existé… Certaines choses nous échappaient et nous échappent encore.

France Lyme a, de fait, été contrainte depuis l’an dernier de « changer de cap », et de ne plus se contenter d’assister aux réunions ministérielles , mais bien d’entrer dans une nouvelle phase de militantisme.
Ainsi, nous avons écrit à plusieurs reprises au Directeur Général de la Santé, le Pr Salomon et à la HAS, afin de nous assurer que les sujets discutés en réunion officielle ne tomberaient pas aux oubliettes.
Ce travail de « veille » est extrêmement important et nécessite d’être nettement renforcé dans les mois et années à venir.

Quelle est la place de France Lyme dans l’échiquier associatif ?
Il existe actuellement une dizaine d’associations, dont certaines d’envergure nationale, et d’autres plus locale.
Toutes les associations ont à peu près le même but à atteindre : que les malades chroniques soient bien soignés, et que ceux qui ne sont pas encore contaminés ne le deviennent pas.
Sur les modes d’action, certains malades se reconnaissent davantage dans des associations qui proposent des actions « coups de poing » beaucoup plus « activistes », tandis que France Lyme préfère ne pas « rompre le dialogue » avec les autorités, afin que notre parole continue à être prise en compte.
Aussi, nous avons développé un volet judiciaire dans nos missions, et nous encourageons dès maintenant les malades à porter plainte lorsqu’ils sont victimes de maltraitance médicale. Nous avons déposé en début 2019 une plainte à l’encontre d’un infectiologue du CHU de Dijon, et probablement que dans les prochains mois et années, ces plaintes se multiplieront. Nous le souhaitons.

Nous avons également quelques différents dans le paysage associatif sur les cibles privilégiées à « combattre » et sur le message à faire passer.

Sur la transfusion sanguine, en particulier, nous nous en remettons à l’avis des médecins experts qui nous soignent. En l’occurrence, la co-infection avérée transmissible par le sang, par publication scientifique, est la Babesiose. La publication récente de la Food and Drug Administation (Autorité de Santé Américaine), qui concerne l’utilisation des tests de dépistage de ce parasite dans les poches de sang aux USA, devrait interpeller les autorités françaises, et en particulier la mise en œuvre des mêmes procédures au sein de l’Établissement Français du Sang.
Concernant les autres agents pathogènes transmis par les tiques, dont la borrelia, aucune publication n’existe à ce sujet. Le principe de précaution impose donc aux malades de lyme de ne pas donner leur sang.
Mais quel malade, plein de symptômes et de douleurs, aurait l’idée d’aller donner son sang ? Un questionnaire de santé systématique sert à limiter fortement le risque de prélever un donneur qui présenterait des bactéries circulantes au moment du prélèvement sanguin.
En tout état de cause, tant que nous n’aurons pas une sérologie Babesia faite d’office et un test Borrelia fiable, ce sujet ne pourra pas aboutir.

Nous sommes convaincus que les avancées obtenues le sont par la force du dialogue, et non par des actions illégales qui nous éloignent et nous rejettent des institutions, sans qui nous ne pouvons agir.

Nous assistons à une telle démagogie scientifique relayée par certains articles de presse, à un tel mépris de la part de certains médecins, qu’à l’approche de notre journée nationale du 18 mai, sortaient de terre, comme des champignons, des articles relayant encore et toujours la même étude du Pr Caumes sur 300 cas, menée en interne à la Pitié Salpêtrière, « en mono-centrique » comme on dit dans le jargon de la recherche clinique, dépourvue de toute méthodologie digne de ce nom, à tel point que même la HAS l’a retoquée et l’a considérée comme non valable pour une révision de ses recommandations officielles en vigueur. (Voir l’article paru dans le Club de Mediapart, samedi 1er juin, signé des Dr Trautmann, Ghozzi, Gascan)
En conséquence, la SPILF (Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française), sort ses propres recommandations, de façon unilatérale et contre l’avis de la HAS, et les présentera ce 7 juin prochain à Lyon pour leur congrès.

Nous mettons toute notre énergie à dénoncer ce texte et à faire appliquer les recommandations de la seule autorité compétente et supposée indépendante : la Haute Autorité de Santé.

Dans les prochains mois, vont être créés par le ministère de la santé dans nos hôpitaux, 5 centres de référence Lyme, un par super-région ainsi que des centres de compétences au niveau régional.
France Lyme ne remet pas (pour le moment) en cause le fonctionnement de ce futur système. Nous espérons qu’au moins 2 centres seront attribués à des médecins de la FFMVT, Dr Ghozzi et Pr Perronne.
Nous resterons extrêmement vigilants à ce que les centres collaborent entre eux, comme indiqué dans le cahier des charges, car ils devront se répartir les travaux pour la recherche.
Une évaluation régulière et chiffrée permettra d’avoir, pour la première fois, des remontées statistiques sur la prise en charge pluridisciplinaire des malades.
Nous sommes pour la création de ces centres pour le bien des malades. Nous avons besoin que les choses avancent… nous continuerons à jouer notre rôle, à la fois d’acteur du système de santé, et de contestataire si nous constatons des irrégularités qui nuisent à notre cause.

Pour le Conseil d’Administration, Agnès Gaubert, Présidente