Retour d’expérience des malades Lyme / MVT grâce aux sondages – partie 2

Le mois dernier, l’association avait publié les résultats de sondages que nous vous avons proposé en 2021 et 2022. Nous complétons ici par d’autres résultats issus d’un de ces sondages, qui comportait des questions spécifiques sur les Centres de Référence et les Centres de Compétence Lyme/MVT. Vous avez été nombreux (372 !) à participer à ce sondage, nous vous adressons à nouveau un grand MERCI pour votre contribution. Et parmi ces 372 personnes, 82 d’entre vous ont pu apporter leur témoignage suite à leur consultation dans un de ces Centres.

Nous avons présenté les résultats de ce sondage à un certain nombre d’infectiologues réunis lors d’une journée de travail sur la maladie de Lyme il y a quelques semaines, et nous partageons ici une synthèse des résultats avec vous.

Voici les messages principaux à retenir :

– Tout d’abord, 4 ans après la mise en place de ces Centres créés pour prendre en charge les malades Lyme, force est de constater que les généralistes ne sont toujours pas informés de leur existence : seuls 12 % des malades ont été dirigés vers l’un de ces Centres par leur médecin traitant ! Cela confirme malheureusement ce que nous voyons tous les jours parmi les personnes qui nous contactent : les généralistes ne sont pas formés lors de leurs études sur Lyme et les MVT, ils n’en connaissent souvent même pas les rudiments, ni les Recommandations officielles de 2018 qu’ils doivent appliquer, et ils ne semblent pas être au courant de l’existence de ces Centres. Dès cette première étape du dispositif de diagnostic et de traitement, on est dans l’impasse, avec une conséquence immédiate pour les malades : une errance médicale massive dès le départ.

– Ensuite, parmi les personnes ayant tenté de consulter ces Centres, 17 % n’ont pas « réussi » à obtenir de RdV, pour des raisons diverses. Ça fait beaucoup tout de même, cela mérite d’approfondir les motivations de ces 17 % d’échec, les CRMVT souhaitent qu’on en discute avec eux, ça tombe bien, nous aussi.

On observe aussi que 68 % de l’ensemble des répondants déclarent ne pas avoir essayé de prendre RdV dans un de ces Centres. Sans doute parce qu’une partie d’entre eux ne connaissent pas leur existence. Mais sans doute aussi parce que beaucoup d’entre eux n’ont pas confiance dans ces Centres, et les résultats qui suivent, pour le moins mitigés, peuvent expliquer cette défiance. On sait tous que la confiance ne se décrète pas, qu’elle se construit avec le temps et surtout avec des preuves tangibles qu’on peut avoir confiance. Et on verra plus loin qu’il y a de bonnes raisons d’espérer.

– Ces Centres, qui sont pour la grande majorité assez peu chargés d’après les chiffres dont nous disposons, ont des délais de RdV qui se répartissent comme suit : seuls 34 % des malades sont reçus en moins d’un mois, et 29% ont des délais de plus de 2 mois (dont 7% plus de 4 mois). Ce qui nous interroge, car ces Centres sont très focalisés sur les premiers stades de la maladie (puisque la forme chronique ou persistante « n’existe pas » officiellement pour les infectiologues français). Et l’on sait tous que des semaines ou des mois de décalage du début du traitement, lors des premiers stades, peuvent faire perdre des chances de guérison aux malades.

– La durée des consultations dans ces Centres nous étonne énormément : dans 55% des réponses, la consultation dure moins de 30 minutes. Or il s’agit pour l’essentiel de « premières ou deuxièmes consultations », comme on le verra plus loin, car souvent il n’y a pas de 3ème consultation dans le Centre. Quand on voit le nombre de symptômes différents présentés par ces patients, et la taille des dossiers médicaux accumulés précédemment, sur des années le plus souvent, on imagine difficilement une consultation sérieuse et fouillée en si peu de temps.

– Concernant le diagnostic établi par ces Centres, deux choses nous interpellent :

28 % des malades ressortent sans aucun diagnostic, alors que précisément, ces Centres spécialisés ont été créés pour poser un diagnostic, et orienter les malades. Que deviennent ces malades ?

Par ailleurs, comment se fait-il que suivant les Centres (Centres de Référence ou Centres de Compétence), il y ait autant d’écart dans les diagnostics ? Par exemple, le diagnostic « Lyme confirmée » qui varie de 13 % à 38 % suivant les Centres ! De même pour le diagnostic « Lyme possible », qui varie lui de 10 % à 34 % ! De tels écarts (de 1 à 3, c’est énorme !!) ne peuvent s’expliquer que par l’hétérogénéité des méthodes de diagnostic.

Nous sommes aussi étonnés de ne pas trouver dans ce tableau de diagnostic pour d’autres co-infections qui sont pourtant très fréquentes.

– A l’issue de la première consultation, on observe que près des deux tiers des malades ne sont orientés vers aucun autre spécialiste, pour des examens complémentaires. C’est pourtant une des dimensions importantes de ces Centres, qui cherchent à travailler en équipes comportant des médecins de différentes spécialités, pour traiter au mieux les patients.

– Pour 55 % des patients, la durée de la prise en charge est inférieure à 3 mois (pour 38 % il n’y a même eu qu’une seule consultation), ce qui est pour le moins étonnant.

– A la question « Avez-vous eu l’impression d’être compris par ce Centre ? », 58 % répondent positivement, et 36 % répondent négativement. Mais ces valeurs globales cachent des écarts abyssaux entre les Centres.  Suivant les Centres, les malades répondent « Tout à fait d’accord » avec des valeurs qui varient de 14,8 % à 50 % !.. De même ils répondent « Pas du tout d’accord » avec des valeurs qui varient de 11,5 % à 66,7 % ! 

Précisons que ces valeurs ne sont pas entre chaque Centre à l’échelle individuelle, mais entre les deux groupes de Centres (Centres de Référence d’un côté, et Centres de Compétence de l’autre), pour que les nombres de répondants soient plus représentatifs.

– Les mêmes remarques s’appliquent également aux questions suivantes :

« Etes-vous d’accord avec le diagnostic posé par ce Centre ? » et « Vous sentez-vous bien pris en charge par ce Centre ? », qui présentent les mêmes écarts énormes suivant les Centres, avec les mêmes interrogations : comment peut-on expliquer des différences pareilles, si ce n’est par les méthodes de travail de ces Centres ?

– Au total, cela conduit logiquement au même résultat pour la question cruciale « Votre santé s’est-elle améliorée suite à votre consultation dans ce Centre ? ». A cette question, 36,5 % des patients répondent « Pas du tout d’accord », avec des valeurs variant de 16,3 % à 76 % suivant les Centres.

– Et à la question finale « A ce jour, êtes-vous globalement satisfait de votre prise en charge ? », les réponses « Oui » varient suivant les Centres entre 17,2 % et 51,0 %, et les réponses « Non » varient entre 49,0 % et 82,8 %.

Comment peut-on avoir des résultats aussi différents suivant les Centres ? Visiblement, certains Centres fonctionnent mieux que d’autres, au regard des malades. C’est à la fois un constat critique par rapport au fonctionnement et à la coordination de l’ensemble des Centres. Mais c’est aussi un message d’espoir pour l’avenir : oui, certains Centres ont des méthodes de prise en charge qui inspirent confiance aux malades, et qui leur permettent de voir leur santé s’améliorer.  Ce qui signifie qu’un travail méthodique d’analyse et de généralisation des bonnes pratiques de ces Centres permettrait des progrès rapides et substantiels.