Qu’est-ce que les IACI / IACC(I) ?
Le terme Infection‑Associated Chronic Conditions (IACI ou IACC(I) — « infections-associées, conditions chroniques ») désigne un ensemble de pathologies longues, souvent multi-systémiques, qui surviennent après une infection aiguë.
Les IACI peuvent apparaître après des infections virales, bactériennes, fongiques ou parasitaires, y compris, potentiellement, après une infection par la bactérie responsable de la Borréliose de Lyme. Leur manifestation est variée : fatigue chronique, douleurs musculosquelettiques, troubles cognitifs (brouillard mental, troubles de la mémoire ou de la concentration), malaise post-effort, perturbations immunitaires, altérations neurologiques, troubles du sommeil, trouble de l’homéostasie…
Ce qui caractérise les IACI, c’est leur chronicité, leur variabilité et souvent le manque de marqueurs biologiques fiables, ce qui rend leur compréhension, leur diagnostic et leur prise en charge particulièrement complexes.
Pourquoi la notion d’IACI change la donne et ce qu’elle apporte à Lyme
Historiquement, la médecine, face à des infections comme la borréliose de Lyme, a privilégié une approche binaire : infection — traitement — guérison. Mais la montée en lumière des IACI remet en question ce schéma simpliste. En reconnaissant que certaines infections peuvent laisser des traces durables non nécessairement visibles, pas toujours corrélées à des marqueurs sanguins classiques, la notion d’IACI élargit le cadre médical et scientifique à la réalité vécue par de nombreux patients.
Pour la communauté Lyme, c’est une avancée majeure :
- Elle légitime les symptômes persistants décrits par des patients, souvent invalidants, qui jusque-là pouvaient être minimisés ou attribués à des causes psychosomatiques.
- Elle encourage la recherche de mécanismes biologiques (persistance de l’agent infectieux, fragments bactériens, dérèglement immunitaire, inflammation chronique, altérations du métabolisme ou du système nerveux, etc.) plutôt que de se limiter à des protocoles antibiotiques par défaut.
- Elle ouvre la voie à des approches thérapeutiques nouvelles : traitements ciblant l’inflammation, thérapies symptomatiques, prise en charge globale (physique, neurologique, psychologique). En somme, elle pose les bases d’une médecine personnalisée.
Cet élargissement de perspective rejoint aussi les enjeux de la recherche moderne : décrire les différentes trajectoires possibles après une infection, identifier des biomarqueurs, comparer les similitudes avec d’autres IACI comme le Long COVID, et ainsi concevoir des protocoles d’étude, des cohortes, des essais thérapeutiques — ce qui était jusqu’alors rare dans le contexte Lyme.
IACI vs PTLDS : une notion plus large et plus inclusive
En France, les recommandations 2025 de la Haute Autorité de Santé (HAS) ont actualisé la prise en compte de la borréliose de Lyme et de ses suites. Elles utilisent le terme PTLDS « Post-Treatment Lyme Disease Syndrome » pour décrire les symptômes qui persistent après une antibiothérapie bien conduite.
Le PTLDS se caractérise par des symptômes durables (fatigue, douleurs, troubles cognitifs…) se prolongeant pendant au moins six mois après le traitement.
Mais la notion d’IACI va plus loin et peut s’avérer plus adaptée à la réalité de certains malades, pour plusieurs raisons :
- Le cadre IACI ne se limite pas aux personnes « traitées » : il peut s’appliquer aussi à des patients dont l’infection n’a pas été diagnostiquée ou confirmée, ou dont le traitement initial n’était pas optimal.
- Il intègre la diversité des pathologies post-infectieuses, qu’il s’agisse de troubles immunitaires, neurologiques, métaboliques, auto-immuns ou systémiques — ce qui correspond souvent à ce que vivent les malades : les symptômes ne sont pas seulement « résiduels », mais peuvent évoluer, fluctuer, apparaître tardivement, ou se complexifier sans coïncider avec la notion de « traitement » ou de « guérison ».
- Il ouvre la voie à des modèles de prise en charge multidisciplinaires, individualisés et évolutifs, au-delà de l’antibiothérapie seule. Ce glissement conceptuel est essentiel pour répondre à la réalité des patients et pour envisager des recherches de haut niveau, des essais thérapeutiques et des approches globales de soin.
Pourquoi les IACI sont une opportunité pour la recherche et les patients
Adopter le cadre IACI pour la borréliose ouvre plusieurs chemins d’espoir :
- Regrouper les recherches : en reconnaissant que le Lyme chronique peut s’inscrire dans le même continuum que d’autres affections post-infectieuses (Long COVID, ME/CFS, dysautonomies, etc.), il devient possible de mutualiser les efforts scientifiques, de croiser les données, d’identifier des mécanismes communs, ce qui peut accélérer les découvertes.
- Développer des cohortes et des biobanques : cela permet un suivi à long terme, l’analyse de facteurs immunologiques, métaboliques, microbiote, neurologiques — autant d’axes susceptibles de déboucher sur des marqueurs de diagnostic ou d’évolution.
- Construire des parcours de soin adaptés et personnalisés : plutôt que d’opposer « maladie aiguë = traitement antibiotique / maladie chronique = sans solution », le cadre IACI peut mener à des stratégies combinées : associer antibiothérapie (si besoin), traitements symptomatiques, rééducation, soutien psychologique, prise en charge pluridisciplinaire.
- Reconnaissance institutionnelle et politique : la reconnaissance des IACI incite les autorités de santé à considérer la borréliose de Lyme comme d’autres infections, non seulement comme un risque ponctuel mais comme un enjeu de santé publique à long terme.
Ce que cela change et ce qu’il reste à construire
La notion d’IACI ne constitue pas une solution immédiate, mais elle change profondément le cadre de réflexion. Elle oblige à admettre qu’une infection apparemment « traitée » peut laisser des séquelles durables, qu’un suivi à long terme est nécessaire, que les patients doivent être écoutés, pris en compte, sans jugement.
Pour les malades, c’est un message d’espoir : leurs symptômes, parfois rejetés, invisibles, qualifiés d’imaginaires, peuvent trouver une légitimité et, à terme, des réponses concrètes. Pour la recherche, c’est un appel à la mobilisation qui a été entendu le 7 novembre dernier à l’INSERM : il faut investir dans des études rigoureuses, des cohortes, des essais, des biobanques, des collaborations interdisciplinaires. Pour les pouvoirs publics et le système de santé, c’est un signal fort : les maladies vectorielles à tiques, et la borréliose de Lyme en particulier, ne peuvent plus être traitées comme un simple accident ponctuel.
Sources :
https://wwwnc.cdc.gov/eid/article/31/14/25-1187_article
https://www.nationalacademies.org/read/28578/chapter/6
https://www.has-sante.fr/jcms/p_3591081/fr/borreliose-de-lyme-et-autres-maladies-vectorielles-a-tiques-la-has-actualise-ses-recommandations.comhttps://www.frontiersin.org/journals/medicine/articles/10.3389/fmed.2025.1519163/full


