Analyse de la FFMVT sur les recommandations HAS 2025 Borréliose de Lyme et MVT

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Le 18 février 2025, la Haute Autorité de Santé(HAS) a publié ses recommandations actualisées sur la Borréliose de Lyme et autres maladies vectorielles à tiques. Cette publication est entachée de plusieurs fautes.

Le communiqué de la HAS qui accompagne cette publication indique à tort que ces recommandations ont été approuvées à l’unanimité par les membres du groupe de travail (“Chaque recommandation a été discutée jusqu’à obtention d’un consensus à l’unanimité“), alors même que la date limite pour l’endossement de ces recommandations est le 3 mars (le 18 février, aucun endossement n’avait été effectué). Les désaccords importants de la Fédération Française contre les Maladies Vectorielles à Tiques (FFMVT) avec ces recommandations sont donc soigneusement occultés.

Deuxièmement, après la clôture des travaux du groupe de travail, un paragraphe important a été ajouté, très clairement à l’encontre de notre avis, qui avait pourtant été longuement explicité dans le groupe de travail. Nous reviendrons plus loin sur ce point.

La HAS se targue d’avoir pris en compte notre point de vue : “La présence des usagers du système de santé au sein du groupe de travail et du groupe de lecture a permis de prendre en compte les différents courants d’opinion, leurs attentes, leurs expériences et leurs valeurs dans le cadre de ce travail”. On vient de voir ce qu’il en est en réalité. Par ailleurs, le groupe de travail, composé de 26 membres, comprenait 2 représentants d’associations de patients, et 4 membres de la FFMVT qui défend également les droits des malades et les évolutions souhaitables dans la prise en charge des maladies vectorielles à tiques (1 médecin et 3 chercheurs), face à 20 médecins défendant tous une même ligne, celle de la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF). Alors que, dans le bloc des 20 médecins, la spécialité de chacun est affichée et reconnue, le médecin de la FFMVT, membre du groupe de travail, interniste, responsable d’un CC-MVT, président de la FFMVT, est qualifié de simple “usager du système de santé”. Pour les 5 autres, deux représentants d’associations de patients et trois chercheurs en immunologie du CNRS ou de l’Inserm, la seule compétence qui leur soit reconnue est celle de simples “usager du système de santé”. Ceci montre clairement la considération avec laquelle nous avons été entendus, et le poids que nous pouvions avoir dans ce groupe. Cependant, analysons le contenu de ces recommandations.

Analyse des recommandations HAS/Lyme et MVT 2025

La FFMVT se réjouit de ce que ces recommandations actualisées reconnaissent enfin l’existence du syndrome post-borréliose de Lyme traitée ou PTLDS (post-treatment Lyme disease syndrome). C’est un sujet qui a déjà donné lieu à des milliers d’articles scientifiques. Nous apprécions aussi que le Lyme long/PTLDS soit enfin considéré comme un syndrome post-infectieux, au même titre que le Covid long ou que le syndrome de fatigue chronique. La FFMVT a joué un rôle majeur dans cette double reconnaissance, obtenue à l’issue d’un combat de longue haleine, tant la résistance du bloc SPILF était grande et notre position minoritaire.

Au cours des 4 années nécessaires à l’élaboration de ces recommandations, nous avons pu faire passer plusieurs messages importants, comme nous venons de le voir. En revanche, nous nous sommes heurtés à un désaccord profond, qui n’a jamais pu évoluer, sur la question de la persistance bactérienne et de la pertinence de traitements antibiotiques répétés à la condition qu’une amélioration clinique évidente soit obtenue. Très bien informés sur la similitude frappante des symptômes du Lyme long/PTLDS, du Covid long et du syndrome de fatigue chronique (le plus souvent d’origine virale), nous connaissons l’existence, dans ces syndromes post-infectieux, d’un ensemble de mécanismes intriqués (d’origine immunitaire, nerveuse, métabolique), susceptibles d’entretenir la maladie. Nous n’avons donc jamais défendu l’idée que la seule cause possible du Lyme long était une persistance bactérienne, ni que le seul traitement pertinent consistait en une antibiothérapie prolongée. En revanche, nous avons affirmé que cette persistance pouvait exister chez certains patients, et devait alors être traitée avec des agents antibactériens, de façon prolongée, comme c’est déjà le cas dans les États des USA les plus touchés par la maladie.

On nous opposait que cette persistance n’avait été montrée que dans quelques cas qualifiés d’anecdotiques, peu convaincants, et qu’après un traitement antibiotique bien mené, il ne pouvait plus subsister de bactérie. Si les patients étaient toujours malades, c’est qu’ils avaient autre chose. Enfin, que l’inefficacité des traitements antibiotiques longs aurait été largement démontrée. Nous avons passé des heures à montrer combien cette conclusion est erronée. Il n’y a JAMAIS eu d’accord sur ce point crucial. Nous avons toujours défendu l’idée que ni l’efficacité ni l’inefficacité des traitements antibiotiques répétés n’avaient été démontrées dans des publications scientifiques, et que cette question était une des plus urgentes à trancher dans des essais cliniques bien menés.

Étant donné ce désaccord persistant, les membres de la FFMVT présents dans le groupe de travail ont demandé l’insertion dans le document du paragraphe suivant : « Les mécanismes physiopathologiques sous-jacents au PTLDS, leur variabilité selon les individus, sont encore très mal compris. Une des inconnues concerne la persistance ou non de la bactérie. Ce point reste l’objet d’un dissensus scientifique. Une école considère que cette persistance bactérienne est improbable, qu’aucune antibiothérapie supplémentaire ne doit être envisagée. Une autre insiste sur le fait qu’il est impossible de l’écarter. Des convictions différentes subsistent donc, quant au diagnostic et aux traitements. Certains mettent en garde contre des prescriptions inadaptées, d’autres rappellent que le doute doit bénéficier au patient ».

Cette demande, formulée, il y a plus de 6 mois, a été réitérée, rediscutée avec la direction et le Président de la HAS et finalement rejetée. En clair, on nous a demandé de nous taire. Dans ces conditions, il est impossible pour la FFMVT d’endosser ces recommandations. Comme pour nous pousser à ce refus de signature, dans le document que l’on nous demande de signer, on a vu apparaitre au dernier moment un nouveau paragraphe, qui non seulement n’a jamais été approuvé par le groupe de travail, mais qui concerne une question très polémique. Il s’agit de la pratique des thérapies cognitivo-comportementales (TCC) appliquée aux maladies vectorielles à tiques. A ce sujet, nous avions défendu le point de vue que, pour compléter une approche thérapeutique classique (prise en charge de problèmes immunitaires, inflammatoires, digestifs, de dysfonctionnement système nerveux autonome), nous étions favorables à un programme collectif de réadaptation physique et mentale, co-élaboré avec des patients, avec des groupes de parole, visant à permettre une reprise d’activité très progressive.

En revanche, nous étions formellement opposés à recommander des TCC, dans lesquelles le traitement consisterait uniquement à “rééduquer” le patient. En effet, les TCC promues par les tenants de la théorie psychosomatique sont des techniques de conditionnement mental visant à faire oublier ses symptômes, avec l’objectif de faire accepter son état physique sans y apporter d’effet curatif. Or, il n’existe aucune publication qui prouve l’efficacité des TCC, et pouvant justifier cette recommandation dans le Lyme long.

Point recherche sur les MVT

Sur un dernier point, nous sommes entièrement d’accord avec les recommandations pour ce qui concerne l’importance et l’urgence à mener des recherches pour améliorer le diagnostic et le traitement de la maladie de Lyme. Cependant deux inquiétudes majeures demeurent concernant ces recherches. D’abord, selon nous, les protocoles de recherche devraient être co-élaborés entre patients, médecins et chercheurs, pour pouvoir être menés dans les CR-MVT et par les équipes des instituts de recherche (Inserm, CNRS, Inrae, Institut Pasteur, en particulier). La FFMVT a exprimé la demande d’une telle participation active. Mais serons-nous entendus, réellement ? Nous avons de bonnes raisons d’être inquiets sur ce point. Nous espérons avoir tort.

De plus, aucune recherche n’est possible sans financement, et les financements publics ciblés sur la recherche de Lyme ont été à plusieurs reprises proposés par des Parlementaires, puis rejetés. En 2024, une première enveloppe de 10 millions d’euros a été votée. Enveloppe récemment rabotée de 8 millions d’euros par Didier Samuel, PDG de l’Inserm, qui a vu là une possibilité de combler 40% d’un déficit global de 20 millions ; mais au détriment des patients souffrant de Lyme long.

Les nouvelles recommandations de la HAS sur Lyme affirment qu’elles devraient permettre de mettre fin à l’errance médicale des patients. En l’état, il est difficile de partager un tel optimisme.

https://ffmvt.org/actualites/recommandations-has-2025-borreliose-de-lyme-et-mvt-analyse-de-la-ffmvt

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