Editorial de février 2024
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L’actualité internationale
Plusieurs combinaisons d’antibiotiques éradiquent Lyme chez la souris
Avec 476 000 nouveaux cas par an touchés par maladie de Lyme, les USA sont sans conteste le pays le plus touché au monde en valeur absolue. Cela explique le dynamisme de la recherche américaine sur le sujet, bien financée par des fonds publics non négligeables, mais aussi et surtout par de généreuses fondations privées. Il y a quelques semaines, une équipe de l’université Tulane en Louisiane a publié les résultats d’une recherche prouvant qu’il est possible d’éradiquer complètement la bactérie Borrelia chez la souris.
Cette étude a d’abord essayé chacun des antibiotiques autorisés séparément, et a prouvé qu’aucune de ces monothérapies ne permettait d’éradiquer les bactéries complètement.
Mais utilisés en combinaison, ces mêmes antibiotiques permettent d’obtenir ce résultat.
Au total, sept combinaisons d’antibiotiques différentes, certaines associant deux antibiotiques, d’autres en associant trois, assurent la disparition totale et définitive des bactéries.
Les médicaments concernés sont tous des antibiotiques bien connus et autorisés sur le marché américain, comme la doxycycline, la ceftriaxone, la dapsone, la rifampicine etc.
Il faut rester prudent, bien sûr, car ce test mené sur la souris ne prouve rien quant à la tolérance et à l’efficacité du traitement sur l’homme.
Mais il donne une indication plutôt encourageante, on a hâte de voir la suite de ces recherches !
Pour en savoir plus : Efficacy of combination antibiotic therapy in a mouse model of Lyme disease
Pourquoi les traitements contre la forme persistante de Lyme échouent-ils souvent ?
A l’échelle mondiale, plusieurs recherches ont montré que les traitements antibiotiques sont en échec pour 10 à 30% des patients atteints de la maladie de Lyme, qui continuent à présenter divers symptômes des mois ou des années après le traitement antibiotique recommandé.
C’est d’ailleurs notre problème essentiel aujourd’hui : si le traitement standard de 2 à 3 semaines d’antibiotiques fonctionnait à tous les coups, les malades retrouveraient avec bonheur la pleine santé, à quelques co-infections près qu’il resterait à traiter, bien sûr, mais on aurait fait l’essentiel.
La même équipe, dirigée par Monica Embers, professeure agrégée de microbiologie et d’immunologie à Tulane, a étudié les causes de ce problème, in vitro et in vivo sur les modèles animaux, principalement les grands primates.
En synthèse, elle confirme que 3 mécanismes sont probablement à l’œuvre à des degrés divers pour expliquer ce phénomène :
- L’inflammation auto-immune « directe » : le système immunitaire attaque les cellules de l’hôte par erreur, alors qu’il n’y a plus de bactérie pathogène,
- L’inflammation auto-immune causée par la persistance de débris non éliminés de bactéries : en particulier le peptidoglycane, qui fait partie des protéines de surface des bactéries, qui continuerait à sur-stimuler le système immunitaire,
- La persistance de l’infection elle-même : plusieurs études in vivo sur les animaux ont permis de confirmer la persistance de bactéries après traitement.
Et en conclusion, cette étude établit aussi les axes de recherche pour identifier des biomarqueurs de diagnostic et des traitements de nouvelle génération.
Pour en savoir plus : Lyme disease and the pursuit of a clinical cure
Rejet de Lyme par le corps médical : l’expérience des patients
Une équipe de chercheurs en Sociologie et en Psychologie de l’université de Lamar au Texas a publié les résultats d’une enquête en ligne menée auprès de 986 patients atteints de la maladie de Lyme. Le but était de recueillir leur expérience en tant que malades confrontés au système de santé américain.
Car bien qu’il y ait environ un demi-million de nouveaux cas de maladie de Lyme aux États-Unis chaque année, selon les autorités, cette maladie est comme chez nous, sous-diagnostiquée ou mal diagnostiquée. La maladie de Lyme est une menace reconnue pour la santé publique fédérale, et elle est même une “maladie à déclaration obligatoire” aux USA, ce qui n’est pas le cas en France d’ailleurs. Malgré cela, la forme “aiguë” et la forme “chronique” de la maladie de Lyme ont été reléguées dans la catégorie des “maladies contestées”, ce qui, d’après les auteurs, peut donner lieu à un harcèlement moral de la part des médecins.
Cette enquête met en évidence le sentiment d’exclusion ressenti par ces personnes, qui ont été poussées en marge du système médical, et qui ont vu leurs symptômes attribués à des maladies mentales, à l’anxiété, au stress et au vieillissement. En outre, les personnes interrogées ont vu leurs analyses de sang et leurs érythèmes migrants (EM) écartées et elles rapportent qu’on leur a affirmé que la forme chronique n’existait tout simplement pas. En conséquence, une série de consultations infructueuses retardent souvent l’établissement d’un diagnostic correct, avec des conséquences délétères. Il s’agit de la première étude qui met au jour un large éventail de techniques utilisées par le corps médical, d’après les auteurs, pour rejeter, nier, invisibiliser cette population de patients.
Ces techniques, nommées « Gaslighting » en anglais (expression tirée de la pièce de théâtre anglaise de 1938 « Gaslight » et du film américain de 1947 du même nom, mettant en scène une femme qui est sans cesse rabaissée par son mari, qui l’amène en permanence à douter d’elle-même en la faisant plonger dans la dépression) sont, pour les auteurs, assez caractéristiques de ce qu’expriment les malades Lyme aux Etats-Unis dans cette enquête.
C’est la première enquête du genre aux USA, mais ce n’est sans doute pas la dernière !..
Pour en savoir plus : Medical Gaslighting and Lyme Disease: The Patient Experience
Suisse : des surprises dans le premier recensement des tiques et de leurs pathogènes
Plus léger, cet article qui donne le retour du premier recensement des tiques chez nos voisins, et qui réserve quelques surprises également. Les scientifiques suisses ont recensé systématiquement la fréquence des tiques et des agents pathogènes présents dans les 10 000 tiques collectées sur le terrain.
Parmi les multiples infections portées par les arachnides, on relève la présence notable du virus de la méningo-encéphalite à tiques (FSME), qui peut causer des séquelles cérébrales dans 20% des cas quand il atteint le système nerveux central. On relève aussi la présence du virus Alongshan (ALSV), découvert pour la première fois en Chine en 2017, et qui peut également entraîner des symptômes tels que la fièvre et les maux de tête qui apparaissent au début d’une infection par le virus FSME. Fait notoire, ce virus Alongshan est présent dans tous les échantillons des sites examinés. Avec une fréquence de près de 8%, il a été recensé presque deux fois plus souvent que le virus de la FSME. Je peux me tromper, mais je ne me rappelle pas avoir entendu parler de ce virus en France…
Quant aux bactéries transmises par les tiques, elles ont été détectées dans presque toutes les tiques examinées, et parmi elles, on trouve surtout les Rickettsies, qui peuvent provoquer le typhus, mais aussi les Borrélies. Autre surprise : les Borrélies sont quatre fois plus fréquentes dans les tiques des parcs, des prairies et des forêts se situant dans des centres urbains que dans les tiques des zones rurales.
Pour en savoir plus : Suisse : recensement des tiques et de leurs pathogènes
L’actualité nationale
Dans la rubrique « Recherche », malheureusement comme souvent, l’actualité nationale est plutôt maigre. Et ce n’est pas un hasard : il n’y a pratiquement aucun chercheur qui travaille sur la maladie de Lyme et les autres MVT en France. Je veux parler de la maladie qui touche l’homme bien sûr… Parce qu’il est vrai qu’on trouve des chercheurs qui travaillent sur les tiques et sur les aspects vétérinaires de la maladie, et c’est pratiquement tout.
Mais cela pourrait bientôt changer enfin, car comme je vous l’ai annoncé le mois dernier, nous avons réussi à convaincre les élus et le gouvernement d’investir dans la recherche sur Lyme et les MVT : un budget de 10 millions d’euros a été voté par la Commission des Finances de l’Assemblée et introduit par le gouvernement dans le budget 2024, nous en avons eu confirmation. C’est du jamais vu, et c’est surtout une grande nouvelle !
Nous avons franchi une étape importante. Pour la première fois, les députés ont voté des crédits notables pour la maladie de Lyme, et à l’unanimité au sein de la Commission des Finances. Cela signifie que notre message a été entendu, et qu’il a été jugé crédible. C’est déjà énorme, après toutes ces années où nous étions pratiquement inaudibles.
Maintenant que cette enveloppe est décidée, nous voulons assurer le bon usage de cet argent et d’abord son bon « fléchage » comme on dit à Bercy, vers les priorités qui comptent pour les malades.
Nous n’avons pour l’instant toujours aucune indication sur la manière dont ce budget va être géré : qui pilotera ? quels seront les acteurs autour de la table ?..
Vous pouvez compter sur nous pour nous inviter dans ce débat, la voix des malades doit absolument être prise en compte.
Parmi les axes de recherche qui nous tiennent à cœur et que nous voulons défendre au sein de ce futur « groupe de pilotage » à venir :
- Améliorer les outils pour le diagnostic des formes initiale et longue de la maladie : c’est la première priorité pour sortir les malades de l’errance,
- Améliorer les traitements pour la forme longue de la maladie : à minima faire des tests cliniques probants pour valider ici chez nous les protocoles déjà publiés à l’étranger et qui ont donné de bons résultats. Et au-delà, travailler les nouvelles pistes de traitement,
- Travailler sur les autres modes de transmission possibles de la maladie : sexuelle, materno-fœtale, sanguine : il est vital que l’on statue clairement sur ces sujets, et pour la contamination sanguine, qu’on en tire éventuellement les conséquences (pour mémoire, le CDC américain interdit aux porteurs de Lyme de donner leur sang)
- Etudier les autres vecteurs possibles de Borrelia : statuer sur les contaminations par des insectes piquant alternativement les humains et les animaux
- Etudier finement le fonctionnement de la bactérie Borrelia : reproduction, différentes formes de la bactérie, états de dormance, existence de biofilms, comportement en phase défensive.. Ces éléments sont indispensables à connaître pour établir les outils de diagnostic et les traitements
- Améliorer le diagnostic des autres MVT et quantifier leur impact réel, sans doute sous-estimé actuellement
- Fiabiliser le recensement de l’incidence (le nombre de nouveaux cas par an)
- Etablir le recensement de la prévalence (le nombre total de malades à l’instant t), pour la Borreliose, mais aussi les autres MVT
- Travailler sur la piste immunitaire : pour remettre le système immunitaire en situation de contrôle et d’équilibre
- Travailler sur la piste du microbiote : identifier les liens entre dysbiose intestinale et Lyme, et travailler sur les pistes de traitement, incluant également les aspects nutrition bien sûr..
Cette liste n’est pas du tout limitative, beaucoup d’autres thèmes sont sans doute à creuser.. il y a tout à faire en fait !
L’actualité de France Lyme
Comme je le disais le mois dernier, nous recherchons toujours des bénévoles, n’hésitez pas à nous contacter sur devenir bénévole, même si vous avez peu de temps : cela peut être 2h par mois en télétravail depuis chez vous, par exemple. Ces quelques heures nous aiderons beaucoup, sans nécessiter un engagement démesuré de votre part.
Lors de notre AG le 28 avril prochain, nous devons renouveler une partie des membres du Conseil d’Administration de l’association, conformément à nos statuts. Si vous vous intéressez à la maladie, et avez envie de contribuer au débat, n’hésitez pas à nous rejoindre et à vous porter candidat(e), en nous contactant.
Si vous n’avez pas beaucoup de disponibilité, ce que l’on comprend tout à fait, l’engagement des membres du CA reste limité : il vous sera demandé de participer aux 6 réunions de CA prévues dans l’année (réunions de 2 heures en visio), pour discuter des orientations et voter les décisions. Et comme vous avez pu vous en rendre compte en lisant nos lettres mensuelles, ces débats sont souvent instructifs et même passionnants. Vous apprendrez des choses et pourrez apporter vos idées pour faire avancer notre combat. Deux très bonnes raisons de faire acte de candidature 😊 !
Je vous rappelle que France Lyme est à présent référencée sur Lilo, « moteur de recherche français et solidaire » qui finance gratuitement les associations et projets sociaux et environnementaux de votre choix, comme France Lyme. Avec un principe simple : lorsque vous utilisez Lilo, vous accumulez des « gouttes » d’eau, que vous pouvez verser à l’association que vous soutenez, quand vous le voulez, et ces gouttes se transforment en euros que Lilo verse à cette association. Pour info, Lilo est un « métamoteur de recherche » solidaire, qui loue les algorithmes d’autres moteurs de recherche (Bing, Google, Yahoo, PagesJaunes, etc.), et qui reverse la moitié de son chiffre d’affaire aux associations et projets référencés.
Nous vous recommandons d’utiliser Lilo pour nous soutenir, en n’oubliant pas d’indiquer que c’est bien à France Lyme que vous destinez vos « gouttes ». Merci d’avance !!
Pour utiliser Lilo : https://search.lilo.org
Pour en faire votre moteur de recherche par défaut : https://www.lilo.org/france-lyme/
Comme tous les mois, j’adresse ici un grand merci à toutes les équipes de bénévoles impliquées sur le terrain et dans les services de France Lyme, n’hésitez pas à vous manifester et à participer aux événements ou aux permanences organisés dans les sections locales.
Pour en savoir plus sur l’actualité, n’hésitez pas à lire les articles de la revue de presse.
Un grand merci aussi à Nathalie pour ses VisioLyme, ces rendez-vous d’échanges en visio entre malades, qui se poursuivent dans les semaines qui viennent. N’hésitez pas à vous y inscrire, c’est une manière simple et efficace pour partager des infos et échanger des retours d’expérience sur la maladie.
Merci pour votre soutien,
Amicalement,
Frédéric MAIRE
Président de France Lyme