Éditorial de mars 2024

L’actualité internationale

Aux USA, le gouvernement déclare la guerre aux maladies vectorielles

Décidément ça bouge aux Etats-Unis ! C’est une première mondiale en effet : le gouvernement américain vient de lancer un plan stratégique de santé publique de très grande ampleur pour lutter contre les maladies à transmission vectorielle.
Autrement dit, contre toutes celles qui peuvent être transmises par tous les insectes et arachnides qui piquent l’homme, comme les tiques, les moustiques, les mouches et les araignées. Parmi ces maladies vectorielles, on retrouve bien sûr Lyme et les MVT (Maladies Vectorielles à Tiques), mais aussi le zika, la dengue, la malaria, le chikungunya, etc.
Ce plan a nécessité 4 ans de travail ; il a impliqué toutes les parties concernées, et en particulier les associations de malades. Il a été approuvé par 17 agences fédérales réparties dans 5 Ministères. Dont les principales, que sont le HHS (Dpt of Human Health Services – le Ministère fédéral de la Santé), et les CDC (Centers for Disease Control and Prevention – équivalents à Santé Publique France).
Le premier point intéressant, c’est d’abord ces constats dressés par ces institutions officielles : oui ces pathologies chroniques existent bel et bien, et oui nous sommes démunis en termes de traitement pour les soigner.
Extrait de la page 37 :
« Les infections peuvent parfois laisser des symptômes qui durent des semaines, voire des mois, voire plus, même après un traitement approprié. Ces maladies chroniques associées aux infections constituent un problème de santé publique croissant et peuvent entraîner des invalidités et des décès. Les maladies chroniques associées à une infection ont été bien documentées pour la maladie de Lyme, le virus du Nil occidental, le virus de la dengue (..), mais aucune directive clinique n’est disponible pour guider le traitement des conséquences de ces maladies vectorielles à un stade avancé. »
Ces maladies sont perçues par les autorités comme un danger majeur pour la santé publique, car elles sont en constante augmentation (elles ont doublé dans les 15 dernières années aux USA), avec un impact jugé dévastateur pour les personnes atteintes, pour leurs familles, et pour la société. Autre motif d’inquiétude des autorités : les scientifiques découvrent régulièrement de nouvelles menaces dans ce domaine. Depuis 2004, pas moins de 7 nouveaux pathogènes transmis par les tiques ont ainsi été découverts.
La maladie de Lyme figure en bonne place dans ce document de 84 pages, car c’est de très loin la maladie à transmission vectorielle n°1 aux Etats-Unis : les MVT représentent 90 % de l’ensemble des maladies vectorielles recensées dans ce pays, et la Borréliose de Lyme en représente à elle seule 72 %.
Bon nombre des recommandations de ce plan sont d’ailleurs issues du rapport que le Tick-Borne Disease Working Group (groupe de travail sur les MVT) a remis au Congrès l’année dernière.
Concrètement, le plan d’action stratégique est découpé en 5 axes :
1 – Mieux comprendre où, quand, et comment les personnes sont exposées aux maladies vectorielles, et tombent malades, voire en meurent,
2 – Développer, évaluer et améliorer les outils et les méthodes pour diagnostiquer ces maladies et leurs agents pathogènes,
3 – Développer, évaluer et améliorer les outils et les méthodes pour prévenir et contrôler ces maladies,
4 – Développer et évaluer des médicaments et des stratégies de traitement,
5 – Diffuser et mettre en œuvre des outils, des programmes et des collaborations de santé publique pour prévenir, détecter, diagnostiquer et répondre aux menaces des maladies vectorielles.
Ces 5 axes sont ensuite déclinés en objectifs et sous-objectifs, avec au total plus de 120 programmes et plans de travail ciblés, chacun piloté par une entité responsable de l’atteinte de l’objectif. Voilà un vrai plan d’action ambitieux, construit, détaillé, piloté par des acteurs responsables, et financé par des donneurs d’ordre qui ont les moyens.
Ce plan est un réel espoir pour les malades : après toutes ces années de relatif piétinement et de controverse, on peut enfin espérer à terme des résultats tangibles sur ces maladies vectorielles, et en premier lieu sur Lyme et les autres MVT.
Enfin, dans ce rapport, les auteurs rappellent que leurs travaux répondent directement à la demande de la loi Kay Hagan. Cette loi, votée en 2019 par le Congrès US, demandait explicitement au HHS de développer une stratégie nationale pour lutter contre les maladies vectorielles. Cette loi porte précisément ce nom parce qu’en 2019 une sénatrice, la sénatrice Kay Hagan, est décédée à la suite d’une maladie transmise par les tiques.
Faudra-t-il attendre qu’en France, un membre du Sénat décède à la suite d’une MVT pour qu’on se décide enfin à prendre à bras-le-corps ce problème de santé publique ?

L’actualité nationale

Après des années d’errance médicale, une patiente a pu être guérie grâce à un diagnostic de babésiose chronique

Je vous conseille la lecture du résumé de cette étude observationnelle, publiée par le Dr Lacout, le Dr Zedan, et le Pr Perronne, relatant le cas d’une patiente de 36 ans, immunocompétente, qui présentait beaucoup de symptômes de la forme chronique ou persistante d’une MVT : fatigue incapacitante, troubles neurologiques et cognitifs, anxiété, douleurs musculaires, articulaires et neurologiques, sueurs nocturnes, frissons, troubles du sommeil, etc.
Cette patiente, infirmière, a connu une très longue période d’errance médicale, près de 12 ans, avec son cortège de souffrances, d’incapacités croissantes, et de pertes d’autonomie.
Dans cet article, les auteurs montrent comment le bon diagnostic de babésiose chronique a pu être posé, en dépit des symptômes multiples et peu spécifiques que provoquent ces pathologies, et comment les traitements combinant notamment des antibiotiques et des antipaludéens ont permis à cette patiente de trouver une guérison rapide et complète.
Ils notent qu’il peut être nécessaire de prolonger le traitement pendant une période assez longue, peut-être 120 jours, soit la durée de vie d’un globule rouge.
Enfin, les auteurs estiment que pour les patients présentant une MVT persistante (ou SPPT dans la dénomination officielle de la HAS), le diagnostic devrait s’appuyer sur des sérologies et des PCR plusieurs jours de suite et sur différents prélèvements biologiques : sang, urine, salive, sang capillaire.

L’intérêt des tests PCR en temps réel pour le diagnostic des patients

Comment identifier les nombreux pathogènes possiblement transmis par les tiques, chez les patients porteurs de symptômes évocateurs de Lyme/MVT ou de fibromyalgie ?
Pour tenter de répondre à cette question, les médecins auteurs de cette publication ont utilisé les tests PCR en temps réel (ou qPCR) sur différents types de prélèvements (salive, urine, sang veineux et sang capillaire) sur des patients présentant de tels symptômes persistants, éventuellement dûs à une morsure de tique.
Pour cela, 108 patients ont été inclus dans l’étude, pour lesquels 30 pathogènes différents ont été recherchés systématiquement (des bactéries, comme les différentes souches de Borrelia, de Bartonella, etc, des parasites comme Babesia, Theileria, etc, et des virus comme EBV, TBEV, etc.). Des prélèvements ont été pratiqués à deux reprises, à des dates espacées de 3 jours.
Parmi les résultats saillants de l’étude :
  • Chez les patients du groupe témoin ne présentant aucun symptôme, tous les résultats des PCR se sont avérés négatifs.
  • En revanche, dans le groupe des 108 malades, 95,4% étaient positifs à l’un d’entre eux au moins, 65,7 % des patients étaient infectés par plusieurs pathogènes, certains pouvant en héberger jusqu’à 5 micro-organismes différents,
  • Rickettsia, Theileria et Mycoplasma étaient les plus fréquents, assez loin devant Borrélia.
Un autre résultat est également très « interpellant » : les différents prélèvements n’ont pas du tout donné les mêmes résultats. Pour tous les pathogènes testés, en moyenne le plus sensible était la salive, suivie de l’urine, du sang capillaire et du sang veineux. On remarque en particulier que pour Borrelia, les différences sont spectaculaires : les prélèvements de sang veineux sont tous revenus négatifs, sans exception, pour les 108 patients, alors qu’ils sont positifs à 64,3 % dans la salive, positifs à 21,4 % dans l’urine, et positifs à 14,3 % dans le sang capillaire. Que penser, à la vue de ces chiffres, de la représentativité de tous les tests sanguins qui sont pratiqués presque exclusivement sur du sang veineux ?
Dernier résultat qui confirme la complexité de ces pathologies : alors que les tiques ne transmettent pas certains pathogènes, comme les virus CMV ou HHV6, ils apparaissent ici et pourraient être réactivés à la suite d’une dépression du système immunitaire due à une maladie de Lyme. Il faudrait peut-être changer de paradigme et utiliser le terme « crypto-infections » (infections cachées) plutôt que celui, plus limité, de « maladie vectorielle à tiques ».
La difficulté à détecter ces micro-organismes peut justifier l’emploi de protocoles utilisant des antibiotiques et des anti parasitaires, que les germes aient ou non été détectés, moyennant un suivi attentif de l’état du patient pendant le traitement.

Lyme et le déni de certitude – Combattre les microbes par l’enquête

Je vous conseille la lecture de cet article que la sociologue Alexandra Bidet a publié dans la revue Multitudes, sur le portail CAIRN.info.
Elle partage ses réflexions et ses recherches sur cette situation si particulière qui est la nôtre : alors qu’elle est la zoonose la plus importante en Europe, la forme persistante de la maladie de Lyme – ou Lyme long, ne fait encore l’objet d’aucune reconnaissance médicale en France.
Alexandra Bidet observe les espaces sociaux en ligne où les malades partagent leurs connaissances, leurs problèmes, leurs doutes et leurs questionnements ; elle analyse l’impact de ce qu’elle appelle « le déni de certitude », et les différentes postures adoptées par les patients.

Audience à l’Ordre National des Médecins du Professeur Trouillas

Cette audience, qui a eu lieu à Paris le 22 février, faisait suite à une plainte de l’Ordre Départemental des Médecins du Rhône datant de 2019. Le motif de cette plainte concerne la prescription d’antibiothérapies prolongées pour certains patients atteints de formes particulièrement sévères et invalidantes de MVT (Maladies Vectorielles à Tiques).
Le Professeur Trouillas a pourtant démontré dans des publications scientifiques étayées qu’il a permis grâce à ce type de traitement de soigner, avec des bénéfices spectaculaires, des patients qui étaient jusque-là en très grande souffrance et même en situation de grand handicap.
Durant cette audience, Maître Thomas Bénagès, qui connaît bien le contexte de la maladie de Lyme, a plaidé pour défendre le Professeur Trouillas, avec des arguments factuels : tous les patients du Professeur Trouillas le soutiennent (une lettre ouverte des patients au Président de la République a recueilli plus de 230 signatures), aucun patient ne s’est jamais plaint de la qualité de son travail, et au contraire, beaucoup d’entre eux témoignent des bénéfices qu’ils ont tiré de sa prise en charge (réduction sensible des symptômes, récupération de leur mobilité, et même pour beaucoup d’entre eux, complète guérison).
France Lyme a tenu à rendre public son soutien au Professeur, par le biais d’un communiqué de presse très explicite, diffusé à toute la presse, sur notre site et sur nos réseaux.
A l’issue de cette audience, le jugement sera rendu dans les semaines, voire les mois à venir, puisqu’il n’y a pas de notion de délai dans cette procédure.
Nous vous tiendrons naturellement au courant de l’issue du jugement et des suites éventuelles.
Sa dernière publication scientifique https://francelyme.fr/site/article-scientifique-publie-par-les-pr-paul-trouillas-et-du-dr-michel-franck-dans-le-antibiotics-journal/

Premier « contact » avec le Ministre de la Santé, Frédéric Valletoux, à Meung-sur-Loire

Et oui, vous avez bien lu : c’est à Meung-sur-Loire que nous avons pu établir un premier contact avec le nouveau Ministre de la Santé, à l’occasion de son premier déplacement sur place le 10 février. Il était d’ailleurs accompagné de Mme Catherine Vautrin, Ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, ainsi que de Mme Fadila Khattabi, Ministre déléguée chargée des personnes âgées et des personnes handicapées.
Notre Trésorière Jeanne-Marie, qui réside dans cette commune, était sur place lors de leur passage ; elle en a profité pour passer nos messages sous forme de lettre ouverte, à l’attention des trois Ministres concernés.
C’était un premier « contact » avec M. Valletoux, mais ce ne sera pas le dernier espérons-le, nous essaierons décrocher un rendez-vous au ministère dans les mois qui viennent pour faire entendre votre voix.

L’actualité de France Lyme

Je vous rappelle que France Lyme est à présent référencée sur Lilo, « moteur de recherche français et solidaire » qui finance gratuitement les associations et projets sociaux et environnementaux de votre choix, comme France Lyme. Avec un principe simple : lorsque vous utilisez Lilo, vous accumulez des « gouttes » d’eau, que vous pouvez verser à l’association que vous soutenez, quand vous le voulez, et ces gouttes se transforment en euros que Lilo verse à cette association. Pour info, Lilo est un « métamoteur de recherche » solidaire, qui loue les algorithmes d’autres moteurs de recherche (Bing, Yahoo, PagesJaunes, etc.), et qui reverse la moitié de son chiffre d’affaire aux associations et projets référencés.
Nous vous recommandons d’utiliser Lilo pour nous soutenir, en n’oubliant pas d’indiquer que c’est bien à France Lyme que vous destinez vos « gouttes ». Merci d’avance !!
Pour utiliser Lilo : https://search.lilo.org
Pour en faire votre moteur de recherche par défaut : https://www.lilo.org/france-lyme/
Comme tous les mois, j’adresse ici un grand merci à toutes les équipes de bénévoles impliquées sur le terrain et dans les services de France Lyme, n’hésitez pas à vous manifester et à participer aux événements ou aux permanences organisées dans les sections locales.
De nouveaux bénévoles rejoignent la section Bretagne en organisant une conférence à Brest le 4 avril.
Un grand merci aussi à Nathalie pour ses VisioLyme, ces rendez-vous d’échange en visio entre malades, qui se poursuivent dans les semaines qui viennent. N’hésitez pas à vous y inscrire, c’est une manière simple et efficace pour partager des infos et échanger des retours d’expérience sur la maladie.
Merci pour votre soutien,
Amicalement,
Frédéric MAIRE
Président de France Lyme