la Croix : “Nouveaux microbes sous haute surveillance”

PAR DENIS SERGENT

Publié le 18/12/2006 à 20:58, La Croix

 

En France métropolitaine, épidémiologistes et chercheurs s’impliquent davantage dans les réseaux de surveillance des maladies infectieuses

Chikungunya, dengue, paludisme, maladies transmises par les tiques, blue tongue… on n’en finit pas d’énumérer les noms compliqués de «nouvelles» maladies auxquelles on colle, un peu vite sans doute, le qualificatif d’émergentes. Parmi elles figurent toutefois des pathologies qui inquiètent particulièrement les autorités agricoles et sanitaires de la France métropolitaine.

Avec le réchauffement climatique, la mondialisation des échanges et l’intensification des voyages, on assiste à l’apparition de nouveaux «vecteurs», des moustiques et des tiques essentiellement, porteurs d’agents pathogènes (parasites, bactéries, virus) à l’origine de maladies qu’on n’avait jamais connues dans des zones si septentrionales ou si occidentales.

L’une des premières pathologies originaires des pays du Sud est celle due au virus du Nil (West Nile en anglais). Arrivé en 1999 à New York, il y a depuis contaminé et tué des centaines de personnes. Hébergé par les oiseaux migrateurs, il se transmet par les moustiques aux animaux domestiques (chats, chiens, vaches et chevaux, particulièrement sensibles au virus). Originaire d’Afrique et du Proche-Orient, il est arrivé dans le sud de la France, notamment dans les manades de Camargue.

«Depuis quelques années, nous observons de régulières micro-épidémies», indique Henriette de Valk, coordinatrice des zoonoses à l’Institut de veille sanitaire (InVS). En 2003, sept cas humains ont été répertoriés dans le Var et un plan de surveillance a été mis en place, en collaboration avec l’Entente interdépartementale de démoustication, une organisation chargée de lutter contre les larves de moustiques en traitant précisément les «gîtes» où elles prolifèrent.
Un réseau de «canards sentinelles»

Original, ce plan repose sur un réseau de «canards sentinelles» chez qui, chaque mois, on prélève une petite quantité de sang afin de détecter la présence éventuelle d’anticorps, signature de la présence du microbe. Par ailleurs, si un médecin détecte une méningo-encéphalite sans pouvoir en identifier la cause, il doit suspecter le patient d’être contaminé par le virus du Nil et en avertir immédiatement les antennes de l’InVS à Marseille et Montpellier.

Ainsi, en 2005, des dizaines de cas suspects ont-ils été analysés au plus près ; mais tous se sont finalement révélés négatifs. «C’est là la rançon d’un système d’épidémiosurveillance efficace pour une maladie qui, en réalité, n’est pas établie sur notre territoire», constate Henriette de Valk.

Plus délicate est la détection précoce de la présence d’un nouveau venu dans le sud de la France : le virus chikungunya («homme courbé» en swahili) véhiculé par des moustiques du genre Aedes. Bien connu des médecins tropicaux, il a engendré une véritable tempête sanitaire et médiatique sur l’île de La Réunion en 2005, où plus de 130.000 personnes ont souffert de fièvre et de douleurs articulaires aiguës empêchant jusqu’à 20 % de la population de travailler.

Surtout, plusieurs dizaines de personnes sont décédées de complications neurologiques. En métropole, on n’en est pas là. Mais, depuis l’été 2006, le chikungunya ainsi que la dengue sont devenues des maladies à déclaration obligatoire, et les autorités ont mis en place un système de surveillance.

Les services de démoustication des Alpes-Maritimes et de Corse surveillent notamment, dans les ports, les arrivages de pneus neufs, lieux privilégiés pour les larves de moustiques. Si quelques personnes infectées par le virus chikungunya ont été détectées, il n’existe pas de risque de propagation importante dans la mesure où le virus se transmet par le biais du moustique Aedes albopictus. «Bien qu’il se soit installé en Grèce, dans le nord de l’Italie et même à Menton et Nice, ce moustique est tout de même moins efficace que sous les tropiques », explique Henriette de Valk.
Un cas de paludisme observé cet été en Corse

Même appréciation pour la dengue, maladie virale transmise par les moustiques de type Aedes, où les seuls cas détectés en France métropolitaine sont des personnes revenant de La Réunion, d’Afrique ou d’Asie. «Nous n’avons pas trop de crainte pour la dengue, car c’est une maladie très surveillée au niveau mondial», précise Henriette de Valk.

Plus étrange en revanche est ce cas de paludisme (dû à un parasite transmis par un moustique Anophèle) observé cet été en Corse. Il s’agit d’un homme de 59 ans habitant Porto, n’ayant jamais voyagé et ne s’étant pas rendu dans un aéroport depuis au moins dix ans ! Contaminé par le parasite Plasmodium vivax, moins méchant que les autres, il a été traité par des antipaludéens et est aujourd’hui guéri. «Pour nous, c’est tout de même une alerte, car il a très probablement été contaminé en Corse», explique Henriette de Valk.

L’inventaire des systèmes de surveillance serait incomplet si l’on omettait de signaler celui des maladies à tiques (borréliose de Lyme, encéphalites à virus) en recrudescence notamment dans l’Est de la France et celui de la grippe aviaire, maladie virale hautement pathogène (nous y consacrerons un prochain dossier).

Assurément les autorités sanitaires du pays ont pris conscience de la nécessité de surveiller et d’anticiper davantage l’émergence de microbes qui peuvent être moins virulents qu’en zones tropicales mais dont il ne faut pas sous-estimer le pouvoir de mutation.

Du côté animal aussi, la surveillance s’intensifie. Tout récemment encore, l’Inra et l’Inserm, ainsi que le Cirad et l’Afssa (1), ont décidé de mettre sur pied le réseau sentinelle Bioscope chargé d’étudier l’évolution des maladies animales et humaines en Corse et en Camargue, avec la ferme intention de l’étendre à d’autres pays méditerranéens.

(1) Coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, Association française de sécurité sanitaire des aliments.

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