Symposium de l’Institut Cochin : un tournant pour comprendre les maladies post-infectieuses, dont le Lyme long

Le 5 décembre 2025, l’Institut Cochin organise un symposium majeur intitulé « Long COVID and other Post-Acute Infections : From symptoms to mechanisms », rassemblant des chercheurs français, européens et américains de haut niveau, dont Amy Proal sur laquelle nous reviendrons un peu plus loin.

Pour les patients touchés par une borréliose de Lyme persistante, cet événement représente bien plus qu’un simple congrès : c’est le signe d’une évolution profonde du regard scientifique porté sur les maladies post-infectieuses.

Pourquoi ce symposium est-il important pour la communauté Lyme ?

Depuis des années, les patients atteints de formes longues de Lyme alertent sur la persistance de symptômes après l’infection : fatigue extrême, douleurs diffuses, troubles cognitifs, anomalies neurologiques ou immunitaires. Ces réalités ont été longtemps marginalisées faute de modèles biologiques établis.

Or, l’Institut Cochin a réuni des experts internationaux pour présenter précisément ces mécanismes… dans plusieurs maladies post-infectieuses, dont le Long COVID, le Lyme et d’autres infections persistantes. Parmi les points clés :

  • la persistance de fragments pathogènes ou de pathogènes non réplicatifs dans certains compartiments ;
  • la dysrégulation immunitaire durable (cytokines, cellules NK, “trained immunity”) ;
  • les atteintes neurologiques ;
  • les dysfonctionnements mitochondriaux ;
  • les signatures immunométaboliques, base potentielle de futurs biomarqueurs.

Ces thématiques rejoignent des observations rapportées depuis des années par les patients atteints de Lyme long. Voir ces mécanismes discutés publiquement dans un symposium scientifique de haut niveau constitue une avancée majeure en termes de crédibilité, reconnaissance et perspectives thérapeutiques.

Des intervenants de renom, aux expertises complémentaires

Le symposium est structuré en sessions thématiques, animées par des chercheurs issus d’horizons variés. Quelques intervenants clés :

Persistance virale et bactérienne

  • Morgane Bomsel (Institut Cochin) : persistance du SARS-CoV-2 dans divers tissus.
  • Bruce K. Patterson (IncellDX, US) : persistance non réplicative de pathogènes dans les monocytes, mécanisme appliqué au Long COVID et au Lyme chronique.
    → Ce point est particulièrement important pour notre communauté.

Immunodysfonction et immunité « entraînée »

  • Nicolas Huot (Institut Pasteur) : anomalies des cellules NK dans le Long COVID.
  • Elisabeth Dulfer (Radboud UMC, NL) : « trained immunity » commune au Long COVID et au Lyme.

Ces travaux montrent que les réponses immunitaires anormales peuvent persister indépendamment de la présence active du pathogène, un paradigme essentiel pour comprendre le Lyme long.

Atteintes neurologiques

  • Nicolas Vodovar (Hôpital Lariboisière) : perturbation du métabolisme de la sérotonine.
  • Lindsay Mc Alpine (Yale University) : le cerveau dans les syndromes post-infectieux.

Dysfonction mitochondriale

  • Marta Camici (Rome, Italie) : perturbation de l’axe nerf vague – hypothalamus – surrénales – mitochondries.
  • Tibor Pankotai (Hongrie) : signatures mitochondriales du Long COVID.

Biomarqueurs et pistes de diagnostic

  • Mireille Laforge (Université Paris Cité) : signatures immunométaboliques du Long COVID.
  • Amy Proal (PolyBio Research Foundation) : potentiels biomarqueurs — forces et limites.

Les conférences convergent vers un message clair : les maladies post-infectieuses ont des mécanismes mesurables et étudiables, ouvrant la voie à des diagnostics et thérapeutiques spécifiques. C’est un exemple extrêmement encourageant de science intégrative, combinant infectiologie, immunologie, neurologie, métabolisme, biologie cellulaire, intelligence artificielle et sciences des biomarqueurs.

Pour Lyme, c’est exactement ce dont nous avons besoin :
sortir des approches monolithiques centrées uniquement sur l’antibiotique, et comprendre les véritables mécanismes multi-systémiques du Lyme long.

Les échanges interdisciplinaires permettent :

  • d’identifier des points communs entre Lyme long, Long COVID, ME/CFS, dysautonomies…
  • de mutualiser les protocoles et méthodes d’analyse ;
  • d’accélérer la recherche sur les biomarqueurs, jusqu’ici un verrou majeur ;
  • de mettre en lumière des cibles thérapeutiques partagées : inflammation chronique, anomalies immunitaires, persistance antigénique, dysfonction mitochondriale, etc.

Ce que cela change pour les patients atteints de Lyme long

Pour les malades, ce type d’événement apporte plusieurs avancées majeures :

  • Validation scientifique de mécanismes décrits par les patients depuis longtemps.
  • Croisement des expertises, indispensable pour sortir du débat stérile « infection résiduelle vs. troubles fonctionnels ».
  • Début d’un changement de regard médical : on parle désormais de mécanismes biologiques objectifs.
  • Perspectives thérapeutiques : ciblage immunitaire, traitements mitochondriaux, antiviraux/antimicrobiens innovants, biomarqueurs d’orientation…
  • Intégration du Lyme long dans une dynamique internationale de recherche.

Le Lyme long est désormais une maladie post-infectieuse parmi d’autres, qui mérite le même niveau d’investissement scientifique que le Long COVID.

Focus sur Amy Proal, et pourquoi son travail compte

Amy Proal est microbiologiste, docteure, et cofondatrice de la PolyBio Research Foundation. Elle en est la présidente et Chief Scientific Officer. 

 Elle consacre sa carrière à étudier comment des pathogènes persistants, viraux, bactériens, fongiques, peuvent conduire à des maladies chroniques, par des mécanismes complexes : altération de l’immunité, perturbation du métabolisme cellulaire, dérèglement de l’expression génétique, dysbiose du microbiote, inflammation chronique, etc. 

Dans plusieurs publications, elle a montré que des affections comme le Syndrome de fatigue chronique (ME/CFS) ou le Long COVID peuvent s’analyser sous l’angle d’affections infectieuses persistantes, repoussant les cadres traditionnels auto-immuns ou psychosomatiques. 

Elle est à l’origine du lancement du Long COVID Research Consortium (LCRC), une structure internationale rassemblant des équipes des plus grandes institutions (Harvard, UCSF, Mount Sinai, Yale…) pour étudier les causes biologiques sous-jacentes du Long COVID et des pathologies post-infectieuses. 

Ce qu’elle apporte de neuf : un regard unifié sur les maladies post-infectieuses

Le travail d’Amy Proal présente plusieurs avancées conceptuelles et méthodologiques fondamentales :

  • Unification des maladies post-infectieuses : plutôt que de dissocier Long COVID, ME/CFS, Lyme, etc., Proal propose de les étudier comme des expressions différentes d’un même phénomène : des infections, parfois difficiles à détecter, qui deviennent chroniques par persistance dans l’organisme, dysrégulation immunitaire, perturbations métaboliques ou micro-environnementales. Cette approche transversale favorise l’émergence de mécanismes communs. 
  • Mise en place d’un modèle de recherche intégré : par le LCRC et d’autres initiatives, elle coordonne des équipes pluridisciplinaires (immunologistes, microbiologistes, neurologues, virologistes, cliniciens) pour combiner analyses cliniques, biobanques, techniques métagénomiques, analyses métaboliques et immunologiques. 
  • Vers des diagnostics biomarqueurs et des traitements adaptés : Proal et ses collaborateurs travaillent à identifier des signatures biologiques (immunitaires, métaboliques, génomiques) permettant un diagnostic plus fiable et spécifique des affections post-infectieuses, au-delà des simples symptômes subjectifs. 
  • Valorisation d’une médecine « causaliste » et non seulement symptomatique : leur approche ne se contente pas de soulager les symptômes, elle cherche à traiter les causes — persistance infectieuse, inflammation, dysfonction cellulaire — ce qui ouvre la voie à des protocoles thérapeutiques innovants : antiviraux, immunomodulateurs, thérapies ciblées. 

Pour la communauté Lyme, cela représente une véritable opportunité : enfin, des chercheurs de haut niveau prennent au sérieux l’idée que des infections bactériennes ou virales peuvent laisser des séquelles biologiquement mesurables et durables. Cette reconnaissance ouvre la voie à des avancées concrètes en matière de diagnostic, de traitement et de compréhension des formes longues.

Sources :

https://institutcochin.fr/lanimation/seminaires-congres/long-covid-and-other-post-acute-infections-symptoms-mechanisms

https://www.researchgate.net/profile/Amy-Proal

Amy Proal