Communiqué de presse de la FFMVT, 23 novembre 2018

Communiqué de presse de la FFMVT

 

Le Ministère de la Santé des USA (U.S. Department of Health and Human Services) vient de rendre public (novembre 2018) le rapport d’un groupe de travail sur la maladie de Lyme, rapport qui va être soumis au Congrès.

La FFMVT est heureuse de constater que la teneur de ce rapport (développé en annexe) est absolument en accord avec les conclusions rendues publiques en juin 2018 par la HAS (Haute Autorité de Santé) en France, sur la base d’un rapport rendu par un groupe de travail auquel participaient plusieurs membres de la FFMVT, des représentants d’associations de patients, des médecins et chercheurs dont certains sont inscrits à la SPILF (Société de pathologie infectieuse de langue française). Le groupe de travail aux USA était composé sur les mêmes principes. La cohérence entre les conclusions obtenues indépendamment aux USA et en France est impressionnante, et rassurante sur la solidité de nos propres conclusions.

Les conclusions de la HAS ont depuis fait l’objet d’une campagne de dénigrement de la part de certaines autorités médicales (Académie de Médecine, certains Ordres des Médecins départementaux) ou scientifiques, comme la SPILF, qui avait pourtant participé au groupe de travail. Ce dénigrement est hautement problématique, dans la mesure où les conclusions de la HAS servent de référentiel indispensable pour les médecins généralistes, lorsqu’ils sont consultés par des patients ayant un soupçon de maladie de Lyme. Ce dénigrement est grave, car il crée de la confusion et du désarroi pour les médecins, les patients et le public.

Ce dénigrement est en bonne partie motivé par la volonté de nier l’importance d’une forme chronique de la maladie de Lyme, sa fréquence et sa gravité. Ceux qui nient le Lyme chronique disent aussi généralement que les diagnostics sérologiques existants sont bons, et que si une personne qui pense souffrir d’un Lyme chronique n’est pas guérie par un mois d’antibiotique, c’est qu’elle souffre d’autre chose que de Lyme. Toutes ces affirmations sont le fait de personnes se présentant comme des experts scientifiques. Ils aiment opposer leur expertise scientifique à l’ignorance attribuée des patients.

Les rapports de la HAS comme celui présenté au Congrès des USA convergent pour dire que toutes ces affirmations sont fausses, et dommageables pour les patients et pour la santé publique dans nos pays.

La HAS, comme le rapport américain, souligne que le pouvoir politique doit s’emparer de ces informations et décider de financer sérieusement la recherche sur la pathogenèse, le diagnostic et le traitement de la maladie de Lyme, et sur la formation initiale et continue des médecins.

La FFMVT continuera de soutenir énergiquement ces positions et ces actions.

Le gouvernement n’a toujours pas réagi au rapport de la HAS, et donc la recherche dans ce domaine reste au même point mort : absence de tout financement, donc de toute recherche d’envergure, de toute ambition dans ce domaine.

De toutes parts, des voix s’élèvent pour réclamer plus de moyens pour la recherche sur Lyme. Voir par exemple la résolution adoptée à l’unanimité par le Parlement Européen, le 15 novembre 2018, qui « demande des financements supplémentaires » pour les recherches sur la maladie de Lyme.

Nous espérons qu’un changement de politique aura lieu sur ce point, mais nous ne pouvons plus attendre, car l’urgence est là, depuis longtemps, les patients ne le savent que trop bien. La FFMVT a donc décidé de mettre en place un fonds de financement de la recherche, appelé BIOTIQUE (http://www.recherchebiotique.com/), auquel toutes les personnes convaincues de l’importance de cette question sont invitées à contribuer, dans la mesure de leurs moyens, mêmes modestes, pour amorcer la pompe de la recherche.

En annexe, nous résumons en moins de deux pages les grandes lignes du rapport du groupe de travail pour le Congrès des USA, qui en fait plus de cent.

Résumé des principaux points du rapport EtatsUnien sur la maladie de Lyme.

Le rapport dans son intégralité peut être trouvé ici :

https://www.hhs.gov/sites/default/files/tbdwg-report-to-congress-2018.pdf

Dissensus

Le document souligne à plusieurs reprises le dissensus profond existant dans la communauté médicale sur la maladie de Lyme. [Affirmer que les « experts scientifiques » seraient unanimes est une contre-vérité absolue]. Le rapport souligne que les critères de l’IDSA (Infectious Diseases Society of America) et ceux de l’ILADS (International Lyme and Associated Diseases Society) sont bien différents. Ceux de l’IDSA (qui sont repris par les compagnies d’assurance) sont dominants, sans doute à tort, avec des conséquences très dommageables pour les patients. De nombreux médecins qui ont voulu suivre d’autres règles que celles édictées par l’IDSA ont fait l’objet de poursuites, voire d’amendes. Le rapport dit fermement que ce type de mesures doit cesser, et que la liberté de choix des médecins doit être respectée.

Difficultés du diagnostic.

Une fraction importante des personnes infectées par une tique ne font pas d’érythème migrant, ou ce dernier peut rester inaperçu. D’autre part, les anticorps peuvent être produits en quantité trop faible pour être détectées par les tests actuels. D’autant plus que Borrelia affaiblit le système immunitaire (ce qui est prouvé chez la souris, et très probable chez l’homme). Enfin, les tests sérologiques ne sont pas standardisés, et un même patient peut obtenir des résultats de tests sérologiques totalement différents selon les laboratoires.

Dans la section « Patient stories », le rapport expose brièvement l’histoire de plusieurs patients souffrant de maladie de Lyme chronique. Certains de ces exemples sont bouleversants. Ils ont un point commun : dans tous les cas, ces patients ont mis des mois, voire des années avant d’être correctement diagnostiqués. Pendant ce temps, la maladie s’était aggravée, créant parfois des dégâts irréparables. Les conséquences d’un mauvais diagnostic, trop tardif, peuvent être dramatiques.

Lyme chronique ?

L’existence de la maladie de Lyme chronique est indubitable. Lorsque des antibiotiques sont donnés pendant 10 jours, peu après la morsure de tique, aucune pathologie n’apparaît dans l’immense majorité des cas. En revanche, une fraction des individus infectés non traités aussitôt développeront une forme de maladie chronique, avec un panel de symptômes très variés, dominés par la triade 1) grande fatigue 2) problèmes neurologiques pouvant aller jusqu’à la perte de la parole 3) Douleurs articulaires et musculaires pouvant aller jusqu’à la perte de la marche. S’y surajoutent parfois des problèmes cardiaques qui sont parfois létaux.

Cette pathologie résiste à des traitements standard d’antibiotiques (un mois). Ceci est cohérent avec la démonstration qu’il existe des formes de Borrelia résistantes aux antibiotiques classiques.

Le groupe de travail américain s’est divisé sur le nom le plus approprié (“chronic Lyme disease,” “late-stage Lyme disease,” or PTLDS, “post-treatment Lyme disease syndrome« ). Mais il est unanime pour reconnaître l’existence et la gravité de cette pathologie.

Il émet un jugement sévère sur certains médecins qui refusent de reconnaître l’existence d’un Lyme chronique. Il est hélas fréquent que les patients rapportent une attitude inacceptable, vis-à-vis des malades, de la part de médecins sceptiques : Patients report significant and repeated experiences with medical staff who are disrespectful and confrontational. Patients talk about the stress of needing to obtain medical care from providers who do not believe them.

Quel traitement ?

Le groupe de travail reconnaît l’absence totale de consensus sur le traitement (quels antibiotiques, à quelle dose, combien de temps ?). Il souligne que les essais cliniques qui servent de référence aux traitements actuels ne sont en réalité pas concluants, et souffrent d’erreurs méthodologiques importantes. Il est urgent de réaliser de nouveaux essais cliniques pour évaluer des traitements qui seraient efficaces.

Questions financières.

Les questions financières sont abordées à de multiples reprises. Le coût direct, médical, de la maladie de Lyme est estimé à 1.3 milliard de $/an aux USA. Le coût économique et social est estimé à 50 à 100 milliards $. Cela reviendrait, pour la France (cinq fois moins peuplée, mais avec une prévalence de Lyme similaire) à un coût global de 9 à 18 milliards €. Pour les familles de patients souffrant d’un Lyme chronique, La question du non-remboursement des soins, qui est systématique quand ils s’adressent à des « Lyme-literate doctors » (spécialistes de la maladie de Lyme), jamais reconnus par les compagnies d’assurances médicales, est un problème très grave.

Recommandations

Le rapport fait de nombreuses recommandations, dont nous indiquons les principales.

Ce qui est souligné avec le plus d’insistance, c’est la nécessité et l’urgence de renforcer l’effort de recherche sur la maladie de Lyme (qui n’est pourtant pas inexistant aux USA, contrairement à ce que l’on voit en France).

Cet effort doit être décidé au niveau politique, avec la mise en place d’un plan stratégique.

Cet effort doit porter dans plusieurs directions :

  • Biologie des tiques et écologie des maladies transmises par les tiques
  • Evaluation précise du coût total (médical, économique et sociétal) des maladies transmises par les tiques.
  • Evaluation de l’origine de la pathogénicité de cette maladie (altération de la réponse immune, phénomènes inflammatoires, auto-immunité induite)
  • Importance des pathologies dues à d’autres pathogènes injectés la plupart du temps par la tique en même temps que Borrelia : Bartonella, Babesia, Ehrlichia, Anaplasma, et des virus.
  • Mise en place de nouveaux essais cliniques pour l’évaluation des traitements actuels, de nouveaux traitements, de l’utilité de traitements antibiotiques prolongés [comme c’est indispensable pour une autre affection bactérienne, la tuberculose].
  • Recherche sur l’allergie à la viande rouge, de plus en plus souvent observée à la suite d’une morsure de tique qui peut provoquer le déclenchement de la production d’IgE (un type particulier d’anticorps) dirigé contre -gal, une protéine qui n’a rien à voir avec Borrelia, mais qui est présente dans la salive de certaines tiques.

Il ya aussi une nécessité absolue de meilleure formation des médecins, formation initiale et formation continue.

Outils pour la recherche

  • La recherche a absolument besoin d’argent, mais il lui faut en plus des outils appropriés au XXIe siècle. En particulier, un registre national des patients qui permettra de regrouper de nombreuses données, notamment sur l’efficacité ou l’inefficacité des traitements.
  • Le rapport insiste sur l’importance d’inclure dans ces données scientifique les informations et observations fournies par les patients.
  • La mise en place d’un consortium de chercheurs et médecins pour l’échange et l’actualisation immédiate de nouvelles données importantes.

Communiqué de presse de la FFMVT