Billet d’humeur : Haute Autorité de Santé, Inserm et les suites de notre mobilisation
Petit retour sur les évènements : la HAS a publié fin février de nouvelles recommandations, qui reconnait l’existence d’une forme chronique sous forme de syndrome post-infectieux aigüe (PTLDS) qui ferment littéralement la porte à tous les traitements pour le Lyme long ; et de son côté l’Inserm a décidé unilatéralement de supprimer 8 millions d’euros, sur les 10 alloués par le gouvernement pour la recherche sur Lyme, pour boucher ses trous de gestion.
Nous nous sommes mobilisés contre ces deux coups durs à l’encontre des malades, en provoquant des rendez-vous avec les présidents de ces deux institutions pour leur faire entendre nos arguments.
Malheureusement en vain.
Pour la HAS en particulier, nous avons proposé jusqu’au dernier moment de reprendre et de compléter les travaux avant la publication de ce texte très insuffisant, mais rien n’y a fait, et la HAS a préféré passer en force. En conséquence, en tant qu’expert participant au groupe de travail de la HAS, j’ai refusé d’endosser le texte, tout comme les membres de la FFMVT (fédération française contre les maladies vectorielles à tique). Autrement dit, aucun représentant de malades ou de représentant d’une autre école de pensée que celle de la SPILF (société de pathologie infectieuse en langue française) n’a approuvé ce document. C’est un comble pour une institution telle que la HAS qui présente ces recommandations comme totalement consensuelles, et rédigées dans l’intérêt des malades.
C’est tout le paradoxe de cette situation : voilà un texte dont le seul but est normalement d’améliorer la situation des malades, et qui est refusé par les malades ! Cherchez l’erreur.
Dans notre communiqué de presse du 3 mars, nous en appelions au pouvoir politique et à l’exécutif, pour faire entendre la voix des malades et faire valoir nos droits légitimes en tant que patients et en tant que citoyens.
Avec l’association Chronilyme, avec laquelle nous collaborons depuis plusieurs années sur le domaine politique, nous nous sommes logiquement tournés d’abord vers les parlementaires. Ils sont très sensibilisés à notre combat, à tel point qu’ils avaient voté, à l’unanimité des groupes politiques, l’allocation du budget de 10 millions de recherche sur la maladie de Lyme. La sénatrice Elisabeth Doineau a posé une question au gouvernement lors de la séance publique du Sénat du 18 mars, reprenant les deux sujets, HAS et Inserm, avec les mêmes interrogations que nous. La vidéo de 4 minutes tournée lors de cette séance-publique-du-sénat-18-mars-2025-matin. Mme Doineau a notamment pointé du doigt l’incohérence du texte de la HAS, qui va envoyer encore davantage de malades vers l’étranger, creusant les inégalités d’accès aux soins, et créant une médecine à deux vitesses, et qui va envoyer les autres vers l’automédication, avec tous les risques qu’elle comporte.
Au nom du ministre de la Santé, M. Neuder, c’est Mme Parmentier-Lecoq, ministre déléguée chargée de l’autonomie et du handicap, qui a répondu aux questions de Mme Doineau. Sur les nouvelles recommandations HAS, la réponse du ministère est un modèle de langue de bois, disant en substance « circulez, y’a rien à voir » : la HAS a bien travaillé, les recommandations sont au meilleur niveau scientifique, s’il n’y a pas de traitement pour les patients PTLDS, c’est parce qu’aucun traitement n’a reçu le niveau de preuve suffisant – ce que nous contestons formellement d’ailleurs.
Sur le détournement de budget de l’Inserm, le gouvernement répond en reprenant un message de l’Inserm expliquant qu’il ne s’agit en fait que d’un étalement sur plusieurs années du budget initial. En creux, on peut comprendre que la présidence de l’Inserm a réalisé que le détournement de 80% du budget maladie de Lyme pour boucher ses trous de trésorerie n’était pas possible, et qu’elle a préféré cette présentation plus acceptable. Nous prenons acte que l’Inserm va bien conserver ce budget pour la recherche sur la maladie de Lyme. Tout comme les parlementaires, nous resterons vigilants par la suite sur le maintien de l’enveloppe à son montant initial, et sur le bon usage de cet argent pour financer des projets de recherche sur les MVT utiles et efficaces.
Au passage, lors de cet échange, la sénatrice Doineau a pris le soin de rappeler que les nouvelles recommandations officialisent la reconnaissance d’une nouvelle pathologie, le PTLDS, qui a été immédiatement surnommée « Lyme long », comme nous, en référence au terme « Covid long », et pour les mêmes raisons, à savoir qu’il s’agit dans les deux cas de pathologies caractérisées par la persistance de symptômes, à la suite d’une infection (syndrome post-infectieux aigüe).
C’est un point très important, c’est d’ailleurs la seule avancée du texte en fait, au risque de nous répéter : la HAS reconnaît officiellement que 6 à 20% des malades de Lyme en Europe, pourtant bien diagnostiqués dès l’origine de l’infection et traités dans la foulée par le traitement standard recommandé (2 à 3 semaines d’antibiotiques), vont malheureusement développer par la suite des symptômes persistants. Elle nomme cette nouvelle pathologie « PTLDS » (pour Post Treatment Lyme Disease Syndrom), que nous appelons nous le « Lyme long ». Nous avions proposé de retenir ce terme dans le texte officiel, car plus clair, exprimé en français, plus facile à prononcer et à retenir pour le grand public et les médecins, mais la HAS a préféré utiliser cet acronyme pour le moins abscons : « PTLDS ». Ce qui ne nous empêchera pas d’utiliser « Lyme long » pour toute nos communications à l’avenir. Nous notons d’ailleurs que de plus en plus d’acteurs officiels utilisent ce terme, l’usage finira sans doute par l’imposer, tout comme « Covid long » est passé dans le langage courant, malgré l’opposition des infectiologues de la SPILF qui continuent à refuser catégoriquement ce terme, lui préférant l’expression « syndrome post infectieux ».
Sur le fond, comme nous le disons avec force depuis la parution du texte : maintenant que la persistance de symtômes est reconnu par la HAS, et qu’il est même chiffré (de l’ordre de 10 000 nouveaux cas par an à minima, en considérant que 20% des 50 000 nouveaux cas par an diagnostiqués maladie de Lyme en France), pourquoi supprime-t-elle toute possibilité de traitement en France ?
C’est précisément une des questions que nous voulions aborder au ministère de la Santé, qui nous a reçus le 25 mars. Sur ce sujet, sans surprise, notre interlocuteur nous a répondu que les recommandations en matière de soins relèvent de la compétence exclusive de la Haute Autorité de Santé, qui est indépendante du ministère.
Néanmoins, il a écouté notre parole, et pris note de nos arguments, comme sur les autres sujets abordés. Nous avons demandé au ministère d’engager des travaux d’urgence avec les associations de malades sur les sujets d’actualité, notamment :
– la reprise des travaux à la HAS sur le Lyme long
– la reprise des travaux sur le parcours de soins, avec cette année l’évaluation des CRMVT, centre de référence sur les maladies vectorielles à tique, et leur renouvellement, après 5 ans de fonctionnement,
– la sécurisation d’un plan pluriannuel de recherche,
– le lancement d’un nouveau Plan Lyme national, alors que le premier lancé en 2016, désormais caduque, est totalement à l’arrêt,
– la désignation d’un interlocuteur Lyme long au sein de l’exécutif,
– la mise en œuvre des recommandations formulées par les parlementaires, dans des rapports officiels de la République, et qui pour la plupart sont restées lettres mortes.
Nous sommes enfin revenus sur la nécessité d’agir d’urgence pour sortir les malades de l’errance diagnostique : 5 ans en moyenne d’après le sondage réalisé auprès de nos membres ! 5 ans c’est déjà très long pour un adulte, mais réalise-t-on ce que cela signifie pour un enfant, et les conséquences que cela peut entraîner en termes de pertes de chance de guérison, et de séquelles définitivement acquises ? Ce sont véritablement des handicaps définitifs que nous voulons éviter, des vies et des destins que nous voulons sauver pour toutes ces personnes !
Nous avons rapporté le désarroi des malades Lyme long et de leurs familles devant cette situation insupportable qui ne laisse aucune autre possibilité que d’aller chercher une solution à l’étranger ou par l’automédication, avec tous les coûts et les risques que cela comporte. Nous avons souligné cette particularité française : les « recommandations » de la HAS ne sont pas simplement considérées comme des guides pour les médecins, comme c’est le cas à l’étranger, mais elles sont considérées comme des « injonctions absolues » à respecter par les médecins et opposables par l’ordre des médecins.
Autrement dit, un médecin en Allemagne utilise les textes officiels comme un pense-bête, mais il reste maître et totalement responsable d’exercer son métier au mieux pour soigner ses patients, en fonction de la compétence qu’il a acquise, et de la réponse du malade au traitement, etc. Chez nous, l’Ordre des Médecins peut à n’importe quel moment sanctionner un médecin pour non-respect des recommandations, et cela peut aller jusqu’à la radiation du docteur. C’est ce qui s’est produit à de nombreuses reprises depuis dix ans, et qui continue actuellement, puisque des procédures sont en cours contre des médecins. Ces procédures doivent cesser, elles privent les patients Lyme long de médecins qui les soignent, réussissent à améliorer leur état de santé, et à obtenir des rémissions et des guérisons tout à fait probantes.
Nous avons fait passer ces messages, et nous devrions avoir un retour du ministère suite à cette discussion dans les semaines à venir.
