Colloque européen de l’ILADS 2012, Autriche
Le colloque européen de l’ILADS 2012 s’est déroulé à Klagenfurt en Autriche les 18 et 19 mai.
En voici le compte-rendu :
Commentaires généraux
150 médecins ont assisté à ces journées, venant de 18 pays. C’est regrettable qu’il n’y ait eu aucun médecin français…
D’autre part, très peu d’associations de patients étaient représentées : Allemagne (nationale + une régionale), Roumanie, Slovénie et bien sûr France Lyme.
L’organisateur de ce colloque à Klagenfurt, Albin Obiltschnig, a précisé qu’en Autriche, il n’y a ni association de patients ni association de médecins sur Lyme.
La philosophie que l’ILADS a souhaité transmettre lors de ce colloque est celle de ses écrits (guidelines du Dr Burrascano) ou de son site internet : la maladie de Lyme est une maladie affectant tout le corps ainsi que l’esprit, elle est potentiellement grave et est donc à prendre très au sérieux.
La méthode préconisée est une approche globale, car la maladie consiste en un ensemble d’agents pathogènes – la principale bactérie (Borrelia) étant une bactérie complexe, « sournoise » et résistante – en lien avec des intoxications, des déficiences immunitaires, etc. qui entraînent des symptômes dans tous les systèmes du corps ainsi que sur le psychique et le cognitif.
Ils recommandent une thérapie globale et puissante, incluant une combinaison d’anti-infectieux « violents » associée à un traitement symptomatique, à une hygiène de vie stricte et à un soutien moral.
Les intervenants prônent une médecine centrée sur le patient : chaque malade ayant sa propre combinaison d’agents infectieux et son terrain personnel, il aura un traitement personnalisé. Le résultat est idéalement la guérison du patient, et peu importe les analyses…
Nous sommes très loin du diagnostic de la « borréliose de Lyme » qui se soigne automatiquement en trois semaines de doxycycline… Lorsque l’on voit l’étendue de ce qu’ils prennent en compte, la profondeur des examens et des traitements, il en ressort une grande conscience professionnelle et l’on se demande comment ils peuvent être accusés d’« anti-scientifiques »…
L’ILADS invite les médecins à la « compassion ». Les intervenants et les dirigeants de l’ILADS montrent une simplicité, une modestie et une humanité qui tendent à prouver que c’est effectivement leur état d’esprit…
Intérêt pour l’association France Lyme
J’ai pu discuter avec les représentants des associations de patients présentes. Nous avons échangé sur nos actions respectives.
J’ai discuté avec la représentante de l’association allemande (NOM) de nos réactions suite au documentaire d’Arte du 3 mai.
Les associations roumaine et slovène sont peu développées. Les responsables présents ont été vivement intéressés par ma présentation des actions de France Lyme.
Ce colloque annuel de l’ILADS est le seul événement dédié à la maladie de Lyme au niveau européen ; il pourrait être l’occasion pour toutes les associations de patients européennes de se rencontrer pour échanger sur leurs pratiques et même réfléchir à des actions communes.
J’ai aussi échangé avec les responsables de l’ILADS. Ils sont très intéressés de savoir ce qui se passe en Europe chez les associations de patients.
Contenu des communications :
Introduction de Leo J. Shea, Président de l’ILADS
L. J. Shea a rappelé que l’ILADS est né de la réunion, en 1999, de six médecins américains déçus par les sociétés médicales, en particulier pour traiter les maladies vectorielles à tiques (MVT).
Il y a maintenant 700 membres à l’ILADS.
La mission de l’ILADS est révolutionnaire. C’est tenter de passer « de l’intransigeance à la reconnaissance, de l’arrogance à la compassion, de la théorie au savoir-faire (ingéniosité), et de l’échec au succès ».
C’est un challenge car la tradition est forte. La médecine traditionnelle et l’industrie des assurances ont formé une « cabbale » qui empêche les médecins de savoir ce qui est le mieux pour leurs patients. Il faudrait maintenant séparer la médecine des assurances.
Durant son introduction, L. J. Shea a annoncé que l’ILADS publierait ses prochaines directives à la fin de cette année, normalement pour le colloque annuel à Boston en novembre.
Ann F. Corson : l’utilisation de la médecine naturelle allemande dans le traitement des MVT.
Le Dr. Corson est diplômée en médecine interne, neurologie et médecine familiale. Depuis 2003, sa pratique en Pennsylvanie est entièrement dédiée au traitement des MVT.
La « médecine naturelle allemande » est l’intégration de la médecine classique (allopathie) avec la phytothérapie, l’homéopathie, la médecine basée sur le terrain et la médecine bioénergétique, en lien avec les philosophies de la médecine chinoise ancienne.
Le Dr Corson a souligné la complexité des MVT : inflammation, mauvais fonctionnement du système immunitaire, du système hormonal, des mitochondries, du système nerveux, du foie, etc. La médecine naturelle allemande, en intégrant de nombreuses méthodes, agit sur tous les aspects. Il faut rechercher chez le patient toutes les sources d’intoxication : exposition aux métaux lourds, produits, etc. Pendant le traitement, le patient devrait suivre un régime très strict : éviter toutes les sources d’intoxication (nourriture saine, biologique, éviction des produits chimiques, de l’alcool, du tabac, du sucre, du gluten si besoin, etc.). Il faut également ajouter des compléments et des thérapies (acupuncture, ostéopathie) si besoin.
Ann F. Corson : Ce que les médecins doivent connaître à propos de la maladie de Lyme pédiatrique
Les MVT sont endémiques ; les médecins doivent donc savoir les reconnaître chez les enfants.
Le Dr Corson a rappelé que les tiques sont réservoirs de nombreuses maladies : Borrelia (300 souches dans le monde), Babesia, Ehrlichia, Mycoplasma, virus, nématodes, etc.
Il est important que les praticiens sachent reconnaître les tiques et les érythèmes migrants (parfois atypiques).
Elle a ensuite énuméré les symptômes de la maladie de Lyme et des co-infections, en précisant que les enfants ne comprennent pas les symptômes, qui sont dans la ML parfois étranges, et peuvent ne pas parvenir à expliquer ce qu’ils ressentent. 90% des enfants ont des difficultés scolaires à cause des problèmes cognitifs. Elle a insisté sur les changements de comportements (les symptômes psychiatriques) : replis sur soi, dépression, anxiété, troubles obsessionnels compulsifs, etc. Les signes neurologiques et/ou neuropsychiatriques sont souvent les premiers et les seuls signes de l’infection chez l’enfant ou les indicateurs les plus communs d’une infection persistante après un traitement insuffisant. Chez les bébés, la maladie de Lyme se révèle notamment par des changements comportementaux (baisse de l’activité et des jeux, changements d’humeur, cauchemars) ou des infections ORL fréquentes.
Carsten Nicolaus : Utilisation de la naturopathie dans le traitement des maladies à tiques : une approche holistique
Le Dr Carsten Nicolaus est ancien médecin généraliste. En 2006, il fonde le Borreliose Centrum Augsburg (BCA), en Allemagne, dont il est le directeur exécutif et médical.
Le Dr Nicolaus présente le résultat de ses traitements au BCA, utilisés depuis plus de cinq ans. Il a précisé que ces thérapies ne sont pas encore évaluées par des études mais un professeur en médecine de Munich fera prochainement une étude.
La médecine holistique est « l’art et la science de la guérison qui s’occupe de la personne entière : corps, pensée et esprit ». Elle intègre des thérapies conventionnelles et complémentaires pour favoriser une santé optimale.
Au BCA, environ 90% des patients sont traités avec une méthode conventionnelle, c’est-à-dire une combinaison de thérapies dont des antibiotiques. Le reste des patients, pour différentes raisons, sont traités avec la naturopathie.
C. Nicolaus a comparé l’approche holistique à une maison solide, pour laquelle il faut des fondations, des colonnes de support et un toit :
- Les « fondations » sont l’histoire médicale du patient (anamnèse) et les tests diagnostics (analyses biologiques, examens physiques, etc.). Un questionnaire de 15 pages est rempli par le patient. Les analyses biologiques comprennent plusieurs tests de détection des Borrelia et des co-infections, ainsi que des analyses pour le diagnostic différentiel.
- Les « colonnes » représentent les différentes méthodes de traitement : antibiotiques et/ou ou naturopathie, régime alimentaire, compléments alimentaires, traitement de support, traitement de la douleur, exercice, gestion du stress, coaching mental et social.
- Le « toit » correspond aux objectifs du traitement : élimination de toutes les infections, minimisation des effets secondaires du traitement, restauration du système immunitaire et de l’homéostasie ; le but final est la guérison complète.
Stephen Harris : Approches non antibiotiques dans la gestion de la maladie de Lyme et des co-infections
Le Dr. Harris est médecin de famille en Californie. Il s’est tourné vers les MVT depuis 2001, avec l’idée que différents traitements sont possibles, conventionnels ou alternatifs.
Pour le spécialiste de la bactérie Borrelia burgdorferi Sherwood Casjens, c’est la bactérie la plus complexe qu’il connaisse, au niveau du génome et du métabolisme.
Elle est souvent intracellulaire, en s’entourant de la membrane de la cellule hôte ; par conséquent, elle est difficilement détectable par le système immunitaire. Elle vit dans les milieux pauvres en oxygène (cartilage). Elle est sensible au pH (vit en milieu acide) et à la température (détruite au-dessus de 40°C pendant trois heures).
Le cycle de division de Bb est très lent : 12-36h in vitro et 14-28j in vivo. Pour obtenir la même efficacité qu’un traitement de 10j pour un streptocoque, il faudrait pour Bb (en se basant sur un cycle de 24h) un traitement de deux ans…
La présence de Borrelia entraîne une libération de cytokines, suivie d’une forte réponse inflammatoire, avec des effets sévères sur différents systèmes.
Cette bactérie a la capacité de détruire les cellules du système immunitaire par attaque directe.
Elle peut se transformer en kystes, résistants à la majorité des antibiotiques, la chaleur, l’oxygène et la pression.
Le Dr. Harris a ensuite présenté les différentes infections à tiques, quels examens physiques effectuer et comment les traiter par naturopathie.
Il a ensuite développé quelques protocoles de traitement naturopathique : Beyond balance protocol, Zhang protocol, Cowden protocol, Researched Nutritionals, etc.
Séance de questions. De g. à dr. : Ann Corson (modératrice), Lee Cowden, Steven Harris, Carsten Nicolaus.
W. Lee Cowden : Les maladies neurologiques : la borréliose ou une autre cause ?
Le Dr Lee Cowden est cardiologue et interniste. Il pratique et diffuse la médecine intégrative. Il a développé un protocole de traitement de la maladie de Lyme par naturopathie qui porte son nom.
La maladie de Lyme imite, cause ou contribue à plus de 350 maladies.
Le Dr Cowden a présenté son protocole de traitement naturopathique, le « Cowden protocol ».
Il a expliqué qu’une étude a montré que le samento associé au banderol était efficace pour éliminer les biofilms de B. burgdorferi, à l’inverse de la doxycycline.
Dans une étude (http://www.jneuroinflammation.com/content/8/1/90), des spirochètes ont été retrouvés dans 90% de cas de maladie d’Alzheimer ; B. burgdorferi a été retrouvé dans 25% des cas (13 fois plus que chez les personnes saines). Cette bactérie peut également causer des troubles neuropsychiatriques auto-immuns chez l’enfant (PANDAS).
Des anomalies veineuses (dilatations ou sténoses) au niveau cérébrospinal (base du cou principalement) ont été aussi notées chez les malades de Lyme.
Armin Schwarzbach : Le diagnostic des maladies à tiques : parfois un challenge
Le Dr. Schwarzbach est spécialiste de la médecine de laboratoire au Borreliose Centrum Augsburg.
Le diagnostic sérologique en deux étapes (ELISA puis Western Blot) est problématique car le deuxième test (WB : 60%) est plus sensible que le premier (ELISA : 32-42%)… 16 à 28% des patients reviennent avec un ELISA négatif mais un Western Blot positif ou équivoque. Le Western Blot (WB) devrait donc être le seul test à utiliser pour détecter les anticorps de Borrelia. Un WB négatif n’exclue pas une maladie de Lyme ; en effet, les malades peuvent développer des déficiences du système immunitaire et donc ne pas créer d’anticorps.
Le Dr Schwarzbach recommande d’utiliser un test Immunoblot, un test Elispot (LTT, recommandé par le CDC) et un test des CD3- et des CD57+. Une diminution des CD57 est en faveur d’une maladie de Lyme chronique.
Pour les co-infections, il propose une grille de symptômes à remplir par le patient, qui détermine les infections probables d’après la clinique. On peut ensuite effectuer des sérologies des co-infections supposées pour déterminer si le patient les a effectivement.
86% des malades de borréliose de Lyme chronique sont également infectés par Chlamydia pneumoniae. Le Dr Schwarzbach recommande donc de rechercher systématiquement les deux infections.
Ginger Savely : L’utilisation du comptage des cellules NK CD 57+ comme marqueur de la maladie de Lyme chronique : qu’avons-nous appris à ce jour ?
Le Dr. Savely est infirmière et nutritionniste. Elle pratique à Washington DC, et se consacre au traitement des MVT avec une approche intégrative.
La CD57 est une protéine des cellules du système immunitaire appelées « natural killer » (NK). (Le « CD » nomme les molécules de surface des cellules, le numéro étant celui de l’ordre de découverte des molécules. Les NK possédent la molécule CD57, elles sont dites « CD57+ ») Les NK ont pour rôle de détruire (« killer ») les cellules étrangères sans avoir besoin d’être activées auparavant (« natural »). La bactérie Borrelia burgdorferi détruit les cellules du système immunitaire, le taux des cellules NK diminue donc dans une maladie de Lyme chronique. Elle est de 60-360 cellules/µL chez les personnes saines et de 30-200 c/µL chez les malades de Lyme chroniques. Cependant, la variabilité naturelle de ces cellules apparaît très grande, que ce soit chez les personnes saines ou malades : jusqu’à 50% suivant l’heure du jour, suivant les jours, etc. cette variabilité n’a pas encore été précisée ni expliquée. Pour G. Savely, on ne peut considérer que la baisse du taux des NK CD57+ est due à Lyme que s’il y a une diminution de 60% minimum du taux (idem pour une augmentation).
Albin Obiltschnig : Rôle de la maladie de Lyme dans les lésions nerveuses périphériques complexes
Le Dr. Obiltschnig est chirurgien traumatologue à Klagenfurt, spécialisé dans la chirurgie de la main et des nerfs périphériques. Un tiers de ses patients présentent une maladie de Lyme (souvent une ehrlichiose), d’où son intérêt pour ce domaine. Il est le seul (en Europe ?) à rechercher la maladie de Lyme lors d’opérations de chirurgie des nerfs.
Il est l’organisateur de ce colloque de l’ILADS en Autriche.
Les douleurs des nerfs périphériques sont traitées depuis le milieu du 20ème siècle, principalement par opération chirurgicale.
D’après une étude, des patients psychotiques ont vu leurs douleurs nerveuses diminuer grâce à la filtration de leur liquide céphalo-rachidien (LCR) ; le LCR pourrait transmettre des agents pathogènes sur les nerfs.
Il est connu que la maladie de Lyme entraîne des paralysies mais elle peut également déclencher ou exacerber une compression du nerf, conduisant à une inflammation et des douleurs.
Le Dr Obiltschnig a réalisé une étude sur des cas sévères de compressions de nerfs périphériques accompagnées de douleurs sévères (avec rechutes répétées dans la même zone ou avec plusieurs zones affectées), ayant subi plusieurs opérations chirurgicales. Plusieurs infections sont retrouvées chez ces patients : salmonelles (92%), Yersinia (74%), Borrelia (61%), brucellose ? (52%). Les opérations chirurgicales seules ne suffisent pas à la guérison et conduisent à des rechutes ; elles doivent être accompagnées de traitements antibiotiques de plusieurs mois.
Le Dr Obiltschnig suggère que les cas sévères de compression de nerfs périphériques soient dus à la maladie de Lyme et ses co-infections.
Joseph J. Burrascano : Histoire de Lyme et bases
Le Dr. Burrascano est médecin retraité, avec plus de deux décennies de pratique et de recherche dans le domaine des maladies à tiques. Il est un des fondateurs de l’ILADS.
Un de ses projets actuels est le « Lyme and Associated Diseases Registry », qui suit chaque patient sélectionné du début à la fin de sa maladie, en retraçant tous les symptômes, les analyses, les traitements et les résultats.
En 1909, Arvid Afzelius décrit et nomme l’« érythème chronique migrant » ; il sera renommé « érythème migrant » (EM) en 1990 par Bernard Berger qui découvre qu’il n’est pas migrant. Afzelius fait le lien avec des problèmes articulaires et suppose un lien avec des piqures de tiques. Dans les années 1920 et 1930, la maladie est liée avec des problèmes neurologiques, psychiatriques, articulaires.
En 1965 et 1970, deux médecins américains découvrent que l’EM répond à un traitement à la pénicilline.
En 1965, le Dr Alan Steere, rhumatologue et épidémiologiste, est envoyé par le CDC à la ville de Lyme, Connecticut, pour étudier un nombre insolite de cas de rougeurs et d’arthrites, notamment chez des enfants. Steere nomme l’affection « arthrite de Lyme » ; il soupçonne un virus transmis par piqûre de tique et suggère un traitement à base d’aspirine et de stéroïdes, considérant le traitement antibiotique inutile. En 1982, l’entomologiste Willi Burgdorfer, spécialiste des Borrelia, découvre la bactérie responsable. Les traitements antibiotiques démarrent, basés sur ceux de la syphilis.
Steere et d’autres auteurs définissent le « succès » comme la disparition des « symptômes majeurs » : arthrite, cardite et paralysie faciale ; ils considèrent l’ensemble des « symptômes mineurs » de Lyme comme un phénomène immunitaire non infectieux, et le nomment « syndrome post-Lyme ». Dans les années 1980, le Dr Alan MacDonald prouve l’existence d’une infection séronégative, décrit la croissance lente de Bb, ses forme kystiques et les biofilms. Burrascano s’appuie sur son expérience et les résultats de MacDonald pour contredire Steere ; il définit le « succès » comme la disparition de tous les symptômes sans rechute trois mois après l’arrêta du traitement. D’autres études montreront ensuite la nécessité des traitements longs et intensifs.
Joseph Burrascano
Christine Green : les « pathogènes furtifs » des infections chroniques (1/2)
Le Dr. Green est médecin de famille en Californie. Elle est directrice du Comité d’éducation médicale de l’ILADS.
Koch (1884) a postulé qu’un agent infectieux entraînait obligatoirement une maladie chez le porteur et qu’un individu sain ne peut être porteur, mais cette vision est dépassée. Il a été découvert que l’évolution a créé des « pathogènes furtifs »* (opposés aux agents à « assaut frontal ») qui recherchent un environnement favorable, avec idéalement une relation de symbiose avec l’hôte. Ils recherchent activement les zones les plus propices, sont asymptomatiques ou peu douloureux et manipulent le système immunitaire. Plusieurs agents pathogènes agissent ensemble pour créer une infection clinique. Les agents pathogènes portés par les tiques, de même que les microbes environnementaux opportunistes liés, sont des agents pathogènes « furtifs ».
Le Dr Green a proposé une démarche diagnostique. Le diagnostic clinique doit être établi à partir d’une analyse poussée de la symptomatologie (évolution, périodicité, gêne pour le patient) (le « syndrome grippal » est vague et doit être clarifié), d’un examen clinique approfondi et d’analyses biologiques (avec du recul).
Le traitement de ces agents « pathogènes furtifs » responsables d’infections chroniques est particulier mais controversé. Pour C. Green, il faut : avoir un modèle de la maladie, idéalement nommer les agents pathogènes présents et trouver une méthode pour mesurer la progression. La littérature recommande pour les différentes infections vectorielles à tiques l’utilisation combinée de deux antibiotiques complémentaires. Du fait de la lenteur de réplication des bactéries, le traitement devrait être de 36 mois.
* : Le terme utilisé par C. Green est « stealth pathogen ») ; je n’ai pas trouvé d’équivalent en français.
Christine Green : les pathogènes cachés des infections chroniques (2/2)
L’interaction entre un microbe et un hôte humain peut s’étendre d’une collaboration (symbiose) à une compétition qui peut être fatale.
L’élimination de pathogènes à développement rapide par les antibiotiques a permis le développement de bactéries à développement lent, capables de se cacher du système immunitaire par des formes L ou des biofilms.
99% des bactéries vivent dans des biofilms. Ce sont des structures complexes intégrant différentes bactéries, ainsi que des Candida ; dans un même biofilm, le pH et l’oxygène (milieu aérobie/anaérobie) varient localement. Il y a communication entre les agents à l’intérieur du biofilm et entre eux et les cellules de l’hôte.
La forme L (nommée d’après le Lister Institute où la découvreuse, Emmy Kleneberger-Noble, travaillait) de la bactérie Borrelia apparaît quand le milieu devient néfaste. La forme normale (spirochète) et la forme L ont une sensibilité différente aux antimicrobiens. Une combinaison d’antibiotiques est nécessaire pour détruire les différentes formes bactériennes ainsi que les co-infections.
Samuel Shor : Syndrome de fatigue chronique et maladie de Lyme : y a-t-il une relation ?
Le Dr. Shor est professeur et praticien à l’Université George Washington à Washington DC. Il s’est spécialisé dans le syndrome de fatigue chronique, puis dans la fibromyalgie et enfin dans la maladie de Lyme.
Le syndrome de fatigue chronique (SFC) est défini par un état fatiguant chronique de plus de six mois, entraînant une incapacité supérieure à 50%. Le diagnostic s’effectue par exclusion : toutes les autres causes possibles sont éliminées.
Le Dr Shor a exposé deux arguments pour montrer que le SFC pourrait être dû à une maladie de Lyme :
- Les deux pathologies présentent des caractéristiques cliniques communes : dysfonctionnement du système nerveux autonome, perturbations du sommeil, troubles psychiatriques et cognitifs.
- Le diagnostic de SFC est posé après que les autres maladies, dont la maladie de Lyme, ont été écartées. Or, les tests biologiques pour la borréliose de Lyme sont déficients et de nombreux malades sont séronégatifs ; de plus, il existe des co-infections. Par conséquent, la maladie de Lyme et ses co-infections n’est pas une maladie qui peut être écartée.
Le Dr Shor a présenté une étude qu’il a réalisée sur 209 patients atteints de SFC, dont 99% de séronégatifs à la maladie de Lyme, mais supposés malades de Lyme d’après des critères alternatifs non-officiels (au moins une bande positive au Western Blot ou une co-infection ou un taux faible de CD57). Ces patients ont reçu des traitements antibiotiques. L’état du malade a été mesuré par un questionnaire de symptômes. 88% des malades ont déclaré une amélioration de leur état, dont 62% une amélioration de plus de 50%.
http://www.iacfsme.org/BULLETINWINTER2011/Winter2011ShorCFSinLyme109123/tabid/458/Default.aspx
Samuel Shor
Leo J. Shea : Le mauvais diagnostic neuropsychologique : implications et interventions thérapeutiques
Le Dr. Shea est le président d’un service d’évaluation et de traitement neuropsychologique à New York et dans le Massachussetts. Spécialisé dans les MVT, les maladies chroniques et les traumatismes cérébraux, il offre des remèdes cognitifs et des psychothérapies.
Les symptômes cognitifs, émotionnels et comportementaux sont communs dans la maladie de Lyme. Ils ont des impacts négatifs sur les relations sociales, familiales et académiques/professionnelles.
Il a présenté une étude sur des enfants et des adultes américains :
La moitié des enfants a dû consulter plus de trois médecins avant d’être diagnostiqué pour Lyme, ce qui correspond à trois ans ou plus. Pour la moitié, il y a eu entre trois et quinze diagnostics ou plus avant Lyme ; ces symptômes sont principalement : grippe/fatigue, maladie de Lyme, fatigue chronique ; et pour les diagnostics mentaux : troubles déficitaires de l’attention, anxiété, troubles de l’humeur. Les bilans neuropsychologiques diagnostiquent des troubles cognitifs et prescrivent généralement un programme d’évaluation individualisé ou une psychothérapie.
Pour les adultes, les diagnostics principaux sont : grippe/fatigue, maladie de Lyme, arthrite, et pour les diagnostics mentaux : troubles de l’humeur, anxiété. La moitié d’entre eux a vu trois médecins ou plus, jusqu’à quinze. La moitié a eu entre trois et dix diagnostics. La moitié a dû attendre trois ans ou plus avant le diagnostic ; 18% ont attendu dix ans ou plus ! Les bilans neuropsychologiques ont trouvé majoritairement des troubles cognitifs (48%) ou de la somatisation (19%). Ces patients ont été renvoyés principalement vers un service psychologique (24%) ou psychiatrique (16%).
Ces erreurs de diagnostic causent des délais dans le diagnostic et le traitement, des traitements inadaptés, un déni du handicap et une augmentation des troubles émotionnels impactant négativement les relations sociales et familiales.
Pour la maladie de Lyme, l’évaluation neuropsychologique a une batterie de tests inappropriée (la séance d’une journée est trop longue et fatigante pour un malade de Lyme), conduisant à une mauvaise interprétation des données. Elle surestime la simulation, ainsi que les maladies mentales au dépens des maladies organiques.
Stephen Harris : antibiotiques parentéraux dans le traitement de la maladie de Lyme et des co-infections
Le médecin doit s’interroger sur un début de traitement brutal ou doux : un début brutal est plus efficace sur l’infection mais il y a risque d’une réaction de Jarisch-Herxheimer sévère (voire même fatale).
Pour traiter une ML chronique, le Dr Harris propose de commencer par un antibiotique oral faiblement dosé, pour en observer les effets. Quelques semaines plus tard, il faut ajouter un antibiotique d’une autre famille, en oral ou parentéral. Il prescrit deux molécules au minimum : un antibiotique à action intracellulaire, un autre à action sur la paroi cellulaire, un autre agissant sur les kystes. Le problème est la tolérance ; pour pallier à ce problème, on peut à la place alterner les antibiotiques. La naturopathie peut aider en complément. Il a ensuite donné une liste d’une quinzaine de molécules utilisables en intraveineuse de différentes familles : céphalosporines, carbapénèmes, macrolides, tétracyclines, quinolones, etc.
Robert C. Bransfield : Interventions neuropsychiatriques
(Communication donnée par Leo J. Shea)
Le Dr. Bransfield est psychiatre libéral. Il est ancien président de l’ILADS.
Les infections dans le corps peuvent avoir des effets sur le cerveau qui causent des symptômes cognitifs et psychiatriques ; il peut donc y avoir des symptômes mentaux même sans infection dans le cerveau.
La barrière hématoencéphalique (BHE, blood-brain barrier) peut être pénétrée par les agents pathogènes. Ceci entraîne des dysfonctions dans la BHE ; des neurotoxines et des cytokines pénètrent dans le cerveau.
Il y a une séquence des symptômes au niveau cérébral : très tôt, les cytokines entraînent le « brouillard mental » et la fatigue. Puis des processus auto-immuns entraînent des symptômes obsessionnels, des tics, de l’irritabilité. Ensuite peut arriver une dépression. Enfin, la dernière étape est une inflammation du cerveau et des changements neurodégénératifs.
Les cytokines sont à l’origine des symptômes psychiatriques : suicide, agressivité…
Selon le cas, il faut traiter avec des antibiotiques et/ou des psychotropes.
D’autre part, les maladies chroniques entraînent des symptômes qui contribuent à perpétuer le processus de la pathologie : stress chronique, sommeil non réparateur, dépression, douleurs, fatigue, troubles cognitifs, etc. Des traitements symptomatiques peuvent avoir des effets bénéfiques dans le processus même de traitement. Ainsi, le sommeil est perturbé : une diminution du sommeil profond réparateur diminue l’immunité et augmente la douleur et les déficiences cognitives et émotionnelles.
Les personnes qui attrapent la maladie de Lyme sont souvent plus actives que la moyenne et ont plus de difficultés à accepter les détériorations et les limitations induites. Les patients ont aussi des problèmes étant donné que Lyme, comme toute « maladie invisible », est difficile à comprendre et à accepter par la famille, les employeurs, les médecins, les autorités, etc.
Cécile Musy