Communiqué de Presse sur les nouvelles recommandations de la HAS “Bonnes pratiques”, 25/06/2018

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Objet : Communiqué de presse sur les Recommandations « Borréliose de Lyme et autres maladies vectorielles à tiques »

Le 25 juin 2018, à Arcueil

 5 jours après la sortie officielle des recommandations de la HAS sur la borréliose de lyme et autres MVT ( https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_2857556/fr/borreliose-de-lyme-et-autres-maladies-vectorielles-a-tiques-mvt-recommandations ), et après avoir pris le temps d’analyser à la fois le texte, le dossier de presse, les articles de presse médicale et tout public, ainsi que les opinions de quelques acteurs de la sphère militante associative, voici les impressions du bureau de France Lyme :

A. Points à saluer

Ce texte, comparé aux recommandations issues de la conférence de consensus de 2006, marque un tournant majeur dans la prise en charge des malades victimes de morsure de tique.

1. Les patients récemment contaminés par la borréliose de Lyme et présentant un érythème migrant (EM) identifiable, n’auront plus à effectuer de tests sérologiques pour bénéficier d’un traitement antibiotique précoce, ce qui devrait permettre, dans un certain nombre de cas, d’éviter le passage à une forme disséminée tardive de borréliose.

2. Les patients en phase disséminée précoce se verront parfois prescrire une sérologie ; toutefois, il est écrit noir sur blanc qu’elle peut être négative (p.2 recommandations HAS : Lymphocytome borrélien) ; elles sont « recommandées » mais non indispensables au diagnostic.

Encore mieux, en cas d’EM à localisation multiple, «la réalisation de la sérologie n’est pas recommandée» ; concernant les atteintes neurologiques précoces, la sérologie est recommandée, mais « elle peut toutefois être négative ».

D’autres mentions de sérologie négative figurent dans le reste du texte explicatif du paragraphe « phase disséminée précoce ».

De même, d’autres recommandations importantes sont clairement mentionnées : l’inutilité du suivi sérologique après traitement efficace d’une forme précoce de la maladie, l’importance du suivi sur la clinique (page 20), le fait de ne pas donner de traitement par corticothérapie générale dans le cas des atteintes articulaires (page 18), pour ne citer que ces exemples.

A nous, associations de malades et médecins soignant la forme chronique de la maladie, d’oeuvrer auprès des médecins généralistes, pour une prise de connaissance et une application immédiate de ces recommandations, afin qu’un maximum de personnes nouvellement infectées bénéficient le plus précocement possible d’un traitement adapté, les prévenant ainsi de complications chroniques graves altérant sérieusement leur qualité de vie future.

3. A la lecture des documents présentés par la HAS, nous sortons de la classification obsolète temporelle « stade 1, 2, 3 « de la borréliose de lyme. Les formes disséminées précoces et tardives, ainsi que symptomatologie/syndrome persistant(e) polymorphe après une possible piqûre de tique (SPPT) font leur apparition.

Ce SPPT marque une vraie reconnaissance de symptômes persistants et invalidants chez des malades potentiellement mordus par une tique et ayant à priori reçu une antibiothérapie bien conduite. Il autorise même un traitement antibiotique pour des personnes présentant une sérologie négative et /ou n’ayant pas de souvenir précis de morsure de tique, ni Erythème Migrant identifié.

C’est un changement de paradigme qu’il sera important de diffuser et soutenir, afin que les idées reçus et les pratiques au sein du corps médical évoluent sur cette infection complexe.

4. Pour la prise en charge du SPPT, un nouveau parcours de soin est proposé : c’est une réelle avancée pour les malades, qui jusqu’à présent, soit partaient à l’étranger se soigner, soit se retrouvaient en situation d’errance médicale, isolés et abandonnés du corps médical.

Les traitements antibiotiques répétés sont évoqués dans ce texte, dans un cadre précis de recherche clinique et de pharmacovigilance, afin de faire évoluer la littérature scientifique au cours des prochaines années.

Les associations de malades seront représentées dans les comités de direction des centres spécialisés MVT, ce qui constitue une vraie reconnaissance du rôle de ces associations de malades de lyme.

5. Dans la prise en charge sociale, la mise en ALD semble facilitée, le temps que les médecins de la CPAM soient informés de ces nouvelles recommandations ; il en est de même pour la possibilité d’effectuer une demande de reconnaissance de handicap (RQTH) et/ou d’allocation adulte handicapée (AAH) auprès de la MDPH. Enfin, les recommandations inventorient les dispositions à prendre pour garantir la continuité de la scolarité des enfants malades.

6. La prise en compte de l’impact psychosocial des malades atteints de neuroborréliose et surtout de leur souffrance psychique, est d’une grande importance : « la prise en charge psychiatrique ne doit pas être « la sortie de secours » d’un praticien qui ne sait plus comment soulager son patient. »

7. D’autres agents pathogènes transmis par les tiques (anaplasmose, babesiose, rickettsiose, …) font l’objet d’un chapitre entier.

8. Actualisation des recommandations au moins tous les 2 ans, ou lors de l’apparition de données significatives pouvant modifier la prise en charge des patients.

9. Ce texte reconnait le manque de données sur les MVT et souligne à de nombreuses reprises la nécessité de conduire des protocoles de recherche.

B. Inquiétudes

1. Sous quels délais et avec quels moyens financiers concrets seront mis en place les partenariats ville-hôpital, les consultations « renforcées » ainsi que les centres spécialisés, dans lesquels sont supposées démarrer des protocoles de recherche type PHRC (Programme Hospitalier de Recherche Clinique) ?

Sachant qu’il faut en moyenne 9 à 12 mois d’instruction pour l’obtention des autorisations réglementaires au démarrage d’un PHRC (auprès du Comité de Protection des Personnes, ANSM, CNIL), et que cela nécessite un budget conséquent, quelles garanties le gouvernement nous apportera-t-il pour nous rassurer ?

2. Nous espérons que, en complément que ces PHRC, des registres observationnels ou des projets portés par l’Agence Nationale de la Recherche seront rapidement mis en place pour permettre aux médecins généralistes de conduire des antibiothérapies répétées

Dans cette attente, les délais incompressibles de démarrage de ces recherches (ou registres observationnels) ne doivent pas interdire à nos médecins de continuer à soigner les malades de Lyme chronique.

Nous serons très vigilants sur ce point.

3. les rebondissements de ces derniers mois sur la sortie officielle du PNDS sont source d’une vive inquiétude sur la faisabilité concrète des mesures citées plus haut. En effet, la méthodologie signée en mars 2017, par chacun des membres du groupe rédacteur du PDNS, qui soulignait la recherche obligatoire d’un consensus scientifique, par le biais de réunions de travail mensuelles, et la revue exhaustive de toute la littérature scientifique, a volé en éclat !

Pour finir, après l’obtention du consensus lors de la dernière réunion de travail du PNDS, le 8 mars dernier, ainsi que la validation de cette version par le collège de la HAS le 11 Avril dernier, la SPILF a fait pression sur la HAS (par le biais d’une lettre secrète), pour faire changer le contenu du texte, et bloquer sa sortie officielle.

Dans notre communiqué du 28 mai dernier, nous pressentions ce grave manquement à la démocratie sanitaire, et nous le dénoncions.

Le fait que la HAS n’ait pas respecté cette procédure qu’elle avait elle-même mise en place, est une vive source d’inquiétude pour la « suite des événements », c’est-à-dire la mise en application de ses recommandations parues le 20 juin dernier.

(A titre d’exemple, le consensus de mars dernier laissait la possibilité de prescrire d’emblée le Western Blot en même temps qu’une sérologie ELISA. Sous les pressions de la SPILF, le texte du 20 juin a rétabli de façon unilatérale la sérologie en deux temps : Western Blot autorisé seulement en cas d’ELISA positif ! Ce point est loin d’être un détail pour les associations de malades qui clament depuis 10 ans que les tests ELISA actuels ne sont pas fiables ! )

Par ailleurs, comment établir de telles recommandations alors même que le rapport final d’audit de qualité des tests sérologiques en France, n’est toujours pas rendu ? (Audit au demeurant confié au CNR de Strasbourg, qui affirme depuis des années que leur fiabilité est incontestable.)

Comment aborder sereinement les prochains mois, si la HAS cède aux pressions politico-médicales, alors même qu’elle était supposée respecter le principe de neutralité dans ce débat ?

Tant que le sujet n’est pas une simple controverse scientifique, mais que des conflits d’intérêts et des luttes de pouvoir interfèrent dans les discussions, les malades et leurs souffrances ne seront pas au premier plan des décisions politiques.

C. Actions à mener

Compte-tenu des manoeuvres politiques constatées ces dernières semaines, et de l’enjeu de santé publique majeur qui nous occupe, nous appelons à manifester le mercredi 4 juillet 2018 à partir de 14h, devant le Ministère de la Santé (14 avenue Duquesne 75350 PARIS)

Pour dénoncer les 3 points suivants :

1. Manoeuvres secrètes et luttes d’influence de la SPILF, manque de neutralité de la HAS

2. Non fiabilité des tests sérologiques (cf excellente analyse de la FFMVT : http://ffmvt.org/performance-s-des-elisa-utilises-pour-diagnostiquer-la-maladie-de-lyme/ )

3. Défense de nos médecins, ceux qui soignent actuellement les formes persistantes de maladies à tiques : liberté de prescriptions tant que le parcours de soin et les protocoles de recherche ne seront pas mis en place

Cette manifestation est « multi-associative » ; il s’agit avant tout pour les malades d’exprimer leurs craintes, leur désaccord sur certains aspects des recommandations de la HAS, en tant que malades avant tout.

Les actions et les messages militants portés par les membres d’autres associations n’engagent pas la responsabilité de France Lyme.

France Lyme remercie les membres de la FFMVT, ainsi que son représentant Pierre Hecker, qui ont travaillé sans ménager leur peine pendant 1 an à l’élaboration du PNDS (Protocole National de Diagnostique et de Soins).

Agnès GAUBERT-PICCA, Présidente, pour le bureau de France Lyme