Covid long : le Covars vient de publier son rapport, qui est pour le moins troublant

Le Comité de Veille et d’Anticipation des Risques Sanitaires, qui a succédé en Juillet 2022 au Conseil Scientifique, vient de publier le 8 novembre son rapport sur le COVID long, et effectivement sa lecture est très troublante pour nous.

C’est simple : on pourrait croire qu’il concerne non pas le Covid long, … mais notre « Lyme long » !..

Le Covars relève d’abord une « prise en charge insatisfaisante » des malades, qui seraient plusieurs centaines de milliers en France, sans qu’on dispose d’un chiffre officiel. On parle même d’un parcours de soins chaotique, ce qui ressemble d’emblée à quelque chose qu’on ne connaît que trop bien.

Comme pour la forme chronique de Lyme, pour les infectiologues, la forme chronique du COVID entre dans la catégorie des syndromes post-infectieux appelée syndrome post-Covid (SPC), mais petite différence, les autorités ont accepté le terme Covid long sous la pression du public et du législateur. L’Organisation Mondiale de la Santé définit cette pathologie par des symptômes qui ne peuvent être expliqués par un autre diagnostic.

Ce rapport signale que la formation des professionnels de santé est « incomplète », et qu’en conséquence, « Les patients font face à des parcours de soins trop complexes et trop souvent erratiques ». Il pointe le fait que les malades se sentent parfois stigmatisés, ce qui entraîne une crise de confiance vis-à-vis des médecins. Voilà encore quelque chose qu’on connaît bien.

La diversité des symptômes liés à la maladie en fait un sujet complexe, comme pour Lyme et les MVT, avec pour le Covid long pas moins de deux cents symptômes possibles, selon la littérature scientifique. Grande fatigue, symptômes neurologiques (céphalées, troubles cognitifs, vertiges, etc.), troubles anxieux et dépressifs… Les manifestations peuvent de plus fluctuer dans le temps. Encore des similitudes troublantes avec Lyme.

Le rapport souligne que « Les associations de patients, devenues expertes, insistent aussi sur le caractère parfois invalidant de la maladie ». Il alerte sur les conséquences sociales et économiques : « Les conséquences en termes de décrochage scolaire, perte de productivité, arrêt-maladie prolongé, adaptation au travail, perte de travail, démission, sont réelles. Ce sont exactement les mots que nous utilisons pour décrire le vécu des malades Lyme.

Le Covid long a touché environ 10 % des personnes infectées et « semble encore impacter au quotidien plusieurs centaines de milliers de personnes en France », note le Covars. C’est là, la grande chance du Covid long, car si nos nombres de malades sont comparables (nous estimons à 300 000 le nombre de malades Lyme en France en 2023), l’avantage du Covid long est la simultanéité des cas : toutes les personnes touchées par le Covid long sont apparues en même temps ou presque, et le lien avec leur infection initiale ne fait aucun doute. Avec autant de monde touché en même temps, les autorités et les médecins ne peuvent nier la pathologie.

Un autre point très sensible nous frappe à la lecture du rapport : la tendance à la psychiatrisation des symptômes. En gros, beaucoup de malades se plaignent d’être pris pour des cas psychiatriques.. Voilà qui nous rappelle encore tristement beaucoup de témoignages de patients Lyme.

Le Professeur Lescure, infectiologue à Bichat et co-pilote du rapport, a beau indiquer que l’objectif est « de dépasser la polémique pour proposer des solutions positives, pragmatiques et opérationnelles pour les patients », et préciser que  « certains internistes et psychiatres ont parfois tendance à la psychiatrisation des symptômes et à considérer qu’il s’agit de troubles somatoformes [des symptômes somatiques sans explication organique] », ses arguments ne convainquent pas vraiment en face des nombreux témoignages des malades qui disent le contraire.

« Ce n’est pas dans la tête, comme encore trop de médecins le pensent, résume Mélanie Heard, membre du Covars et docteure en science politique. L’enjeu de cet avis est de sortir de l’idéologie considérant le Covid long comme une croyance et d’énoncer clairement que c’est une maladie, pour les médecins et les décideurs. »

Nous sommes totalement d’accord : on ne demande pas aux médecins de « croire » ou de ne pas « croire » à l’existence du Covid long ou du Lyme long, on leur demande simplement de prendre en charge les malades et de les soigner !

Selon le Covars, il y a une incertitude sur cette « physiopathologie complexe, multiple, et encore incomplètement incomprise », mais les recherches avancent, avec plusieurs hypothèses sur le mécanisme de la maladie : la persistance d’une infection virale, une inflammation chronique, une dérégulation immunitaire, une atteinte du système nerveux central, un déséquilibre de la flore intestinale, une atteinte microvasculaire, etc.

A nouveau, on ne peut qu’être frappé de la ressemblance avec ce que les chercheurs et les médecins compétents disent au sujet de Lyme et des MVT.

Fait intéressant, le rapport formule des recommandations pour une prise en charge « holistique » du Covid long, en s’appuyant sur un triptyque : le clinicien (généraliste, infectiologue…), un rééducateur fonctionnel-kinésithérapeute et un soutien psychologique. En complétant idéalement par une prise en charge sociale, et en impliquant la médecine du travail ou scolaire en cas de besoin. Voilà des recommandations dont on pourrait s’inspirer pour les patients Lyme.

Les associations de patients demandent à être intégrées dans le dispositif : « Il y a un besoin d’alliance thérapeutique, de coconstruction du savoir médical face à une maladie émergente, la place des patients experts devant être centrale, constate Yvanie Caillé, fondatrice de l’association de patients Renaloo. On aimerait que cet avis soit l’occasion d’un vrai changement de paradigme en ce qui concerne l’écoute du patient, de prise de décision partagée. C’est le moment de reparler de la démocratie sanitaire, qui a été malmenée pendant la pandémie. »  Nous sommes là encore 100% en phase avec ces propositions.

Parmi les recommandations importantes du rapport : la création de structures de prise en charge de proximité dans tous les départements. Le fonctionnement des cellules de coordination existantes est très hétérogène et le Covars déplore que « l’offre de soins reste encore trop peu lisible pour les médecins de premier recours et les patients. »

Au plan social, le Covars souhaite que les formes les plus sévères de Covid long puissent bénéficier d’une ALD (affection longue durée) exonérante.

Pour mieux informer les patients et les professionnels, il suggère la mise en place d’une plate-forme digitale. Le rapport recommande également le renforcement de la recherche.

Ces différentes recommandations seraient tout aussi pertinentes dans le cadre de la maladie de Lyme, elles font d’ailleurs partie des propositions historiques de l’association.

Avec ce rapport, on comprend bien l’intérêt qu’il y aurait à travailler sur un périmètre de pathologies plus large, englobant le Covid long, Lyme et les MVT, et sans doute d’autres maladies chroniques d’origine inconnue ou infectieuse, comme celles listées par le CDC américain.

Source

https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/avis-du-comite-de-veille-et-d-anticipation-des-risques-sanitaires-covars-sur-le-syndrome-post-covid-93285

Article du journal Le Monde :

https://www.lemonde.fr/sciences/article/2023/11/08/covid-long-un-parcours-de-soins-chaotique_6198986_1650684.html

Site La Grande Conversation :

https://www.lagrandeconversation.com/societe/reconnaitre-enfin-le-covid-long/