La prise en charge des malades Lyme long reste malheureusement très insuffisante en France

Cet article de FR3 Bourgogne sur « la prise en charge des patients atteints de symptômes chroniques », publié le 14 septembre, laisse à penser que cette prise en charge est à présent tout à fait satisfaisante. On en est malheureusement encore loin.

Après des années de débats intenses sur la « chronicité » de la maladie de Lyme, la vision officielle des infectiologues est de considérer que des « symptômes » peuvent être « chroniques » ou « persistants », mais que « l’infection » n’existe plus. D’où le terme de post-infectieux fréquemment utilisés pour désignés les symptômes décrits par les malades.

Pourtant bien des études publiées, aux Etats Unis pour l’essentiel, font état de l’existence de formes persistantes de l’infection. Elles prouvent en particulier les capacités de persistance de la bactérie Borrelia dans l’organisme, chez un certain nombre de patients, malgré les traitements antibiotiques. Le Dr John Aucott et son laboratoire de l’Université Johns Hopkins ont même démontré l’an dernier que 14% des malades dûment diagnostiqués au début de l’infection et traités par antibiotiques selon les recommandations officielles développent la forme chronique de la maladie. Mais ces études ne sont pas considérées dignes d’intérêt par les infectiologues français.

Nous ne sommes pas fétichistes et utilisons indistinctement les termes « Lyme chronique » ou « persistante », et depuis quelques mois, nous leur préférons même l’expression « Lyme long », qui fait écho à l’expression désormais courante « Covid long » désignant la pathologie persistante des patients Covid.

Mais lorsque les infectiologues mentionnent les « symptômes chroniques » de patients et rejettent la notion « d’infection chronique », il ne s’agit pas d’un point de détail de vocabulaire : pour ces médecins infectiologues, cela signifie que l’infection par elle-même a été traitée, que leur travail est pour ainsi dire terminé. Et qu’il faut, si des symptômes persistent, que le patient consulte un médecin d’une autre spécialité. Par exemple un rhumatologue, un psychologue, un neurologue, etc.

Nous avons là un désaccord profond : malgré toute leur bonne volonté, ces professionnels ne pourront pas traiter la véritable cause de leurs symptômes si celle-ci est d’origine infectieuse. La première chose à faire est d’abord de chercher à traiter ces infections. Elles souvent multiples d’ailleurs, comprenant possiblement d’autres bactéries, des virus et des parasites, transmises par les tiques. Nous savons bien qu’il n’existe pas pour le moment de « traitement absolu », qui marche à tous les coups et sur tout le monde. Peut-être n’existera-t-il jamais. Mais en revanche nous savons qu’il existe un certain nombre de protocoles, qui doivent être adaptés à chaque cas et à chaque stade de la maladie, et qui apportent beaucoup aux patients, leur permettant de stopper la progression des symptômes, de revivre une vie plus normale, et de progresser graduellement vers la rémission et la guérison.

Cela rejoint nos attentes principales concernant les CRMVT, qui sont en fait les missions officielles de ces centres depuis leur création il y a plus de 4 ans :

– ils doivent tout d’abord poser un diagnostic fiable : pour rappel le diagnostic « maladie de Lyme confirmée » varie de 13% à 38% selon les centres d’après notre sondage de 2022, et de même le diagnostic « maladie de Lyme possible » varie lui de 10% à 34%. Ces différences abyssales montrent à l’évidence que les méthodes de diagnostic ne sont pas cohérentes entre les centres, et qu’un gros travail reste à faire pour y arriver. Quand disposera-t-on d’un référentiel de diagnostic standard et partagé, fondé sur l’examen clinique et les symptômes des patients ? Dire que l’on doit fonder le diagnostic sur la clinique et ne pas disposer d’une liste de référence de symptômes ne peut que conduire à l’arbitraire.

– ils doivent prendre réellement en charge tous les patients, y compris les formes longues de la maladie, en leur proposant des traitements adaptés à leurs pathologies. Le constat aujourd’hui est qu’un grand nombre de ces malades ne sont pas pris en charge par les CRMVT.

– ils doivent mener les tests cliniques nécessaires pour tester, mettre au point et valider des protocoles de traitement, en partant des données issues de la recherche. A ce jour, nous n’avons connaissance d’aucun travaux de cette nature au sein des CRMVT, ni passé, ni présent, ni à venir.

Dans cet article, les malades qui vont se faire soigner à l’étranger sont pointés du doigt, en particulier ceux qui vont consulter en Allemagne. Il évoque également le coût des traitements dans les cliniques allemandes, qui ne sont pas remboursés, alors que l’hôpital public en France est là pour prendre en charge sans frais les assurés sociaux que nous sommes…

Effectivement, ça tombe sous le sens : pourquoi tant de malades français vont-ils à l’étranger, en Allemagne, en Suisse, en Belgique, et même aux Etats-Unis ?

Lorsqu’un malade a la sensation d’être en train de perdre sa mobilité, sa tête, son autonomie, et même de perdre sa vie, comme beaucoup en témoignent ; quand il a le sentiment qu’il n’y a plus aucune lueur d’espoir dans son pays, que peut-il faire d’autre que de chercher un diagnostic et un traitement à l’étranger ?

Ces malades ne sont ni fous, ni masochistes, ils ne font pas ces démarches qui coûtent beaucoup d’énergie et d’argent par plaisir. Ils cherchent tout simplement à comprendre ce qui leur arrive, à obtenir un diagnostic, et à se débarrasser de tous ces symptômes, de toutes ces souffrances qui leur gâchent la vie. Ils partent à l’étranger en désespoir de cause, après avoir été rejeté de partout, dans l’espoir de trouver ce qu’ils n’ont pas pu trouver ici en France : une écoute, et une prise en charge réelle et efficace.

Et oui, un certain nombre d’entre eux reviennent en meilleure santé. Nous avons des témoignages dans ce sens. Certains témoignent très publiquement dans des livres, d’autres dans des vidéos, sur les réseaux, et dans la presse. Pour certains l’amélioration est spectaculaire, pour d’autres elle l’est moins, voire beaucoup moins. Telle est la réalité. Nous savons tous que chaque cas est un cas particulier, qu’il n’y a pas de panacée universelle, et que le temps d’errance est un facteur clé dans les chances de rémission et de guérison.

Pour rappel, l’errance médicale des malades Lyme ou MVT touche 81% des malades d’après notre sondage réalisé en 2022, et pour 23% d’entre eux, cette errance a duré plus de 10 ans ! Et bien sûr, un diagnostic tardif aggrave beaucoup la difficulté à traiter la maladie. Chaque semaine, mois, année qui passe fait perdre au malade des chances de guérison.

C’est pour cela que la première priorité est d’améliorer et d’accélérer le diagnostic. C’est pour cette raison que dans beaucoup de pays, le test Elisa est de plus en plus délaissé au profit d’un diagnostic fondé sur les symptômes cliniques. Comme le préconisent les recommandations HAS 2018, d’ailleurs.

En matière de soins et de traitements, cet article mentionne le fait que les cliniques étrangères proposent « des soins de massages, de la balnéo, des anti-douleurs,.. », sous-entendant que les patients qui sont améliorés ne le sont que grâce à ces soins. Dans la grande majorité des cas, les traitements reçus par les malades partis à l’étranger ne s’appuient pas sur ces techniques, mais sur des protocoles de traitement très personnalisés et évolutifs, qui associent souvent des médicaments allopathique (comportant souvent mais pas toujours des antibiotiques, des antifongiques, des antiparasitaires, etc.), des traitements complémentaires (souvent de la phytothérapie), et des compléments alimentaires (vitamines, sels minéraux, probiotiques, etc.). 

Et juste pour préciser, on n’a pas besoin d’aller à l’étranger pour recevoir des soins de massage, de balnéo, ni des anti-douleurs. Alors que pour se voir prescrire autre chose que le traitement officiel de la maladie de Lyme aigüe prévue par les textes en France (les 2 à 3 semaines d’un antibiotique seul – Doxycycline, Amoxicilline ou Azithromycine – qui normalement suffit en phase initiale, mais qui est bien trop insuffisant au stade chronique), il faut effectivement faire le voyage à l’étranger, dans l’état actuel des choses.

Pour conclure, il y a au moins un point sur lequel nous sommes tout à fait d’accord avec le sens de cet article : il serait tellement plus facile de rester en France pour être soignés !

Les malades ne demandent que ça !!

Pour lire l’article de FR3 Bourgogne : https://france3-regions.francetvinfo.fr/bourgogne-franche-comte/doubs/besancon/lyme-nous-les-centres-de-references-c-est-l-hopital-public-il-n-y-a-pas-de-benefices-derriere-plaide-le-dr-yves-hansmann-2838947.html